Naufrage à Lampedusa : le décompte macabre continue
Les secours ont découvert, dimanche, 83 nouveaux corps de migrants morts dans le terrible naufrage de jeudi près de l’île italienne de Lampedusa. Devant l’ampleur du drame, qui pourrait avoir fait entre 300 et 360 morts, les appels à une modification des politiques européennes en matière d’immigration se multiplient.
Les plongeurs ont remonté, dimanche 6 octobre, 83 nouveaux corps de migrants près de Lampedusa. La récupération de ces nouvelles dépouilles élève à 194 le nombre officiel provisoire de décès après le naufrage, jeudi, d’une embarcation de clandestins au large de la petite île italienne, porte d’entrée vers l’Europe. Les autorités redoutent que ce drame ait fait entre 300 et 360 morts
Seuls 155 des 480 à 520 Érythréens et Somaliens entassés sur un bateau de pêche parti clandestinement de Misrata, en Libye, ont pu être sauvés. Les survivants sont tous érythréens, sauf le pilote du navire – un Tunisien âgé de 35 ans – qui a été arrêté.
"Ma famille et beaucoup d’amis étaient sur ce bateau. Je ne peux pas en parler, c’est trop douloureux", a confié Ali, l’un rescapé. Selon lui, le feu a pris sur le navire lorsque le capitaine a enflammé une chemisette pour attirer l’attention des garde-côtes italiens, tout près des rives de Lampedusa. "Quand les gens ont vu les flammes, ils se sont précipités sur l’autre bord et le bateau en a été déséquilibré. Plein de gens sont tombés au fond de l’eau. La terreur a commencé", a-t-il poursuivi.
Scènes de cauchemar
Rocco Cannel, propriétaire d’une école de plongée, a été le premier à descendre sur l’épave. "Je n’oublierai jamais ce que j’ai vu", a-t-il déclaré, décrivant des scènes de cauchemar au fond de l’eau : des corps pris au piège dans l’épave, serrés les uns contre les autres, ou éparpillés sur le fond sablonneux. Les autorités italiennes envisagent de renflouer le bateau, qui gît par 47 mètres de fond à un demi-kilomètre de la côte de la petite île.
Cécile Kyenge, ministre italienne de l’Intégration originaire de la République démocratique du Congo (RDC), a assisté dimanche à l’arrivée de corps dans le petit port. Elle a appelé à ce qu’il n’y ait "plus jamais de telles tragédies". Des politiques de "prévention" sont nécessaires, a-t-elle dit. Dans une interview au Corriere della Sera où elle a annoncé un triplement (de 8 000 à 24 000) des places pour l’accueil des immigrés, elle a prôné des politiques d’immigration moins "punitives" en Italie et dans l’Union européenne (UE). Car, selon elle, les "flux migratoires ont changé" : il s’agit davantage de réfugiés de guerre que de migrants économiques. Cécile Kyenge a en outre dénoncé "l’absurdité" d’une loi italienne qui considère comme des "suspects" d’immigration clandestine des gens qui fuient des conflits.
La ministre a également annoncé des discussions au niveau interministériel sur cette question. Mais le dossier ne fait pas consensus dans le gouvernement gauche-droite d’Enrico Letta.
Barroso attendu à Lampedusa
L’Italie, qui fait face à un nouvel afflux exceptionnel de migrants (30 000 depuis le début de l’année, quatre fois plus qu’en 2012), a obtenu que la question de l’immigration figure à l’ordre du jour d’une réunion ministérielle européenne à Luxembourg, mardi. Enrico Letta, qui a annoncé la visite mercredi sur l’île du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a insisté sur l’actuelle porosité des frontières libyennes. "Notre problème s’appelle Libye. Tout a changé en deux ans, nous irons là-bas pour faire adopter des règles plus strictes", a déclaré le chef du gouvernement italien à la chaîne de télévision Sky TG24.
Rome souhaite aussi que la question soit discutée lors du prochain sommet européen, les 24 et 25 octobre à Bruxelles. L’UE doit aider davantage l’Italie, qui "ne peut pas être le premier pays (d’entrée des migrants africains, NDLR) et tout assumer sur ses épaules", a estimé Enrico Letta. Selon le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, Paris proposera probablement de mettre la question à l’ordre du jour du sommet européen.
Selon des ONG, entre 17 000 et 20 000 migrants ont péri en tentant la traversée de cette mer vers le sud de l’Europe ces vingt dernières années. Le centre d’accueil de l’île est surpeuplé (1 000 occupants pour 250 places) et une partie des réfugiés, dont des rescapés du naufrage, ont dû dormir dehors sous des abris de fortune ces dernières nuits.
(Avec AFP)
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