Twitter : #ci225, #kebetu, #Kony2012… ces hashtags africains qui font le buzz

Avec le développement d’Internet sur le continent et l’explosion des réseaux sociaux, Twitter a peu à peu conquis l’Afrique. Chaque événement, chaque crise, chaque élection, s’écrit et se commente désormais en 140 signes. « Jeune Afrique » s’est replongé dans les trois dernières années, au contact des hashtags africains, témoins éphémères ou persistants d’une certaine histoire du continent.

Les Africains sont de plus en plus nombreux sur Twitter. © AFP

Les Africains sont de plus en plus nombreux sur Twitter. © AFP

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 7 octobre 2013 Lecture : 4 minutes.

Loin de n’être "pas assez entré dans l’Histoire", selon les mots marquants d’un ancien président français, "l’homme africain" s’est approprié les nouveaux moyens de communication à une vitesse supersonique. Avec les réseaux sociaux, ce sont des millions de tweets qui sortent quotidiennement des ordinateurs ou des téléphones mobiles du continent. À chaque élection, chaque contestation, chaque revendication, correspond son hashtag (mot-clé). #FreeGbagbo, #Sunu2012, #Kony2012 ou les plus célèbres #ci225, #kebetu… En exploitant trois ans de statistiques sur le réseau de microblogging, nous avons pu esquisser une ébauche de typologie pour les hashtags africains.

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Les éternels : les hashtags réguliers et rassembleurs

Qui aurait cru, il y a maintenant plus de trois ans, un jour d’août 2010, que le hashtag #kebetu serait encore officiellement le symbole de la twittosphère sénégalaise ? À part les quelques blogueurs de Dakar ayant participé à sa création, sans doute personne. Pourtant, #kebetu est toujours bien vivant. Utilisé plusieurs centaines de fois par jour, en grande majorité par les blogueurs et les journalistes, le hashtag enregistre toujours des pics d’audience de plus d’un millier de mentions lors d’événements importants comme la visite de Barack Obama à Dakar, le 27 juin dernier.


Sources : Twitter et PeopleBrowsr

Si #Kebetu est actuellement loin de son record, enregistré au moment de l’élection présidentielle, le 25 mars 2012, avec plus de 3 000 apparitions en une seule journée, il prouve qu’il fait partie de ces hashtags fédérateurs qui se sont installés dans la durée, tout comme #ci225 ou #kpakpatoya, lancé le 25 avril 2011, en Côte d’Ivoire. Leur point commun ? Être soutenus par un réseau de blogueurs hyperactifs.

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Les hashtags populaires spécifiquement ivoiriens semblent être davantage encore connectés aux centre d’intérêt des twittos les plus influents, qui ne reflètent pas les préoccupations de leurs compatriotes. Exemple : si l’on se réfère au nombre d’utilisations quotidiennes de #ci225, l’événement le plus important des trois dernières années, avec ses 13 000 mentions en un seul jour, remonte au 4 janvier 2013, avec l’arrestation de deux blogueurs ivoiriens. À côté, les remaniements du gouvernement ou même la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui bénéficiait pourtant de son propre hashtag, font presque figures de non-événements.

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Sources : Twitter et PeopleBrowsr

Les éphémères : coup d’éclat et mort lente

D’autres hashtags collent davantage à l’actualité politique du continent. Ils apparaissent, crèvent l’écran, puis disparaissent, selon le degré d’implication, et souvent d’indignation, des internautes. Parfois liés à des sujets de préoccupations internationaux, ils touchent un public plus large, mais également plus volatile, et ne survivent souvent que quelques jours. C’est notamment le cas de #Kony2012, qui avait enflammé la twittosphère mondiale, suite à une action lancée depuis les États-Unis pour capturer ce chef de guerre ougandais. Le 7 mars 2012, le hashtag est mentionné plus d’1,4 million de fois. Si un an et demi après Joseph Kony court toujours, les twittos sont depuis longtemps passés à autre chose. Sur Twitter, l’indignation ne dure qu’un temps.


Sources : Twitter et PeopleBrowsr

L’Afrique a également engendré nombre de "mots-dièses" durant les différentes élections du continent, souvent conçus comme des moyens de surveillance des scrutins, comme pour la présidentielle kényane avec #KenyaDebate ou avec #Zim pour les dernières législatives zimbabwéennes. La Côte d’Ivoire a ainsi lancé, en 2010, #civ2010 qui a fait le tour du monde lors de la crise postélectorale. S’il est encore utilisé aujourd’hui par de nombreux nostalgiques, celui-ci a néanmoins logiquement perdu les faveurs des twittos, en dehors de certains événements tels que les audiences liées au procès Gbagbo, durant lesquels #freegbagbo refait aussi surface.


Sources : Twitter et PeopleBrowsr

Autre exemple : #Sunu2012, au Sénégal, qui, après avoir culminé à plus de 10 000 utilisations par jour durant la présidentielle de 2012, a progressivement disparu, un mois seulement après l’élection. Alors qu’il était conçu comme un instrument de veille citoyenne, il n’a que très peu servi lors des dernières contestations au sujet des pénuries d’eau. À la différence de #Kebetu, moins lié à la période électorale.

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La recette du hashtag qui dure

Quels sont donc les ingrédients d’un "mot-dièse" réussi ?

  1. Une communauté de blogueurs active, si possible soutenue par des hommes politiques de poids. Exemple : la Côte d’Ivoire avec #ci225, utilisé par le président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro et le ministre de la Jeunesse et des Sports, Alain Lobognon.
  1. Un intitulé simple, utilisable en plusieurs langues, lié à Twitter et relativement intemporel. Exemple : #Kebetu (Twitter en wolof) ou encore le marocain #Twittoma.
  1. Un clin d’oeil communautaire afin de rassembler les nationaux et les membres de la diaspora. Exemple ; les différentes teams africaines, utilisant les codes pays.
  1. Un format relativement court. Le tweets ne font que 140 signes. En la matière le tunisien #TN et le l’algérien #DZ sont sans doute les plus restrictifs.

Et vous, saurez-vous lancer votre hashtag ? Et surtout, existera-t-il encore dans plusieurs années ?

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Par Mathieu OLIVIER

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