Charles M. Huber, descendant de Senghor, député et « Allemand comme tous les autres »
Comme Karamba Diaby, autre Sénégalais d’origine, Charles Mohamed Huber est devenu député lors des dernières législatives allemandes. Fils d’un neveu de Senghor, il a été tour à tour acteur célèbre et conseiller en communication, avant de devenir un homme politique à succès. Portrait.
Le 22 septembre, à 57 ans, il est devenu l’un des deux premiers députés noirs à entrer au Parlement allemand. Charles Mohamed Huber, comme Barack Hussain Obama, est en réalité métis. Et en Allemagne, son visage est presque aussi célèbre que celui du président américain. Même si on le connaît plutôt sous l’identité d’un personnage du petit écran : le commissaire Henry Johnson.
Avant que son crâne ne devienne lisse, il a joué de 1986 à 1997 le rôle du bras droit du commissaire principal Leo Kress dans Le Renard, une série policière extrêmement populaire. À l’époque, ce Germano-Sénégalais était déjà le premier acteur noir dans une série télévisée allemande. Un rôle qui donnait une pointe de diversité à un paysage audiovisuel monochrome. Mais, comme il l’explique de sa voix chaude au fort accent germanique, le pays était bien différent à l’époque. Aujourd’hui, sa couleur de peau ne compte plus : "Je suis un Allemand comme tous les autres”, assure-t-il.
Un Bavarois, pour être précis. Karl-Heinz Huber de son vrai nom, a grandi à Großköllnbach, petite ville de 1 200 âmes en Basse-Bavière. Fils né hors mariage de Jean Pierre Faye – un diplomate sénégalais neveu de Léopold Sédar Senghor – et d’une domestique allemande, Olga Huber, il a été élevé par sa grand-mère qui lui a inculqué les valeurs conservatrices et catholiques de cette région rurale.
Huber dit se reconnaître dans l’opiniâtreté et la loyauté de ses compatriotes bavarois. De son côté sénégalais, il croit détenir certaines qualités "génétiques", telle que la sociabilité et une certaine sensibilité dans la communication avec les autres. "Être métis, explique Huber, c’est un espace de réflexion très intéressant. Certes, c’est se trouver un tout petit peu entre deux chaises, (…) mais c’est une opportunité". Citant son illustre aïeul, il ajoute : "Le métissage est l’avenir de l’homme".
Que pense-t-il de la déclaration d’Angela Merkel en 2011 : "Le multiculturalisme a totalement échoué" en Allemagne ? Fidèle à la Chancelière, il préfère éluder le sujet, prétendant que les choses se sont arrangées depuis. "Il faut regarder devant, pas en arrière", dit-il. Sans oublier d’insister sur le fait que les migrants doivent avant tout se prendre en main, faire les efforts nécessaires pour s’intégrer, à commencer par parler allemand. L’ancien consultant en communication interculturelle, ex-acteur devenu député chrétien-démocrate de la circonscription de Darmstadt (Hesse), a bel et bien endossé son rôle de politicien.
Et le Sénégal dans tout ça ? Depuis une trentaine d’année, Huber s’y rend régulièrement. Il y possède une maison, de la famille, et ne tarit pas d’éloge sur la culture ou le climat d’un pays qui "aime la paix”. Il y apporte aussi une action concrète : son association Afrika Direkt eV, fondée à la suite des inondations de 2003, investit dans la construction d’écoles. “Les Sénégalais ont beaucoup de talents, (…) mais il faut leur donner les moyens de les développer”, explique-t-il. Une aide à double sens. Chaque année, son association invite de jeunes allemands défavorisés à découvrir son deuxième pays. Pour ce père de quatre enfants, cette démarche est fondamentale : “La jeunesse doit communiquer avec le reste du monde", dit-il.
Créer des ponts entre l’Allemagne et l’Afrique est l’une des nombreuses missions qu’il s’est donné. Après avoir conseillé le ministère du tourisme éthiopien, Huber est devenu consultant pour le gouvernement allemand et l’ONU, sur les questions d’économie et de politique africaine. Aujourd’hui, il veut faire briller à l’international la circonscription de Darmstadt, "la ville de la science", au moins autant que sa riche voisine et rivale, Francfort. Et pour cela, il compte bien utiliser ses atouts de communicant interculturel. Et son bagoût de comédien.
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Par Jean-Marcel Maillard
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