Westgate : la communauté somalienne du Kenya craint des représailles

Suite à l’attaque par des Sehbab du centre commercial Westgate à Nairobi, la communauté somalienne du Kenya craint des représailles.

Réfugiés somaliens dans le camp de Dadaab, au Kenya. © AFP Tony Karumba

Réfugiés somaliens dans le camp de Dadaab, au Kenya. © AFP Tony Karumba

Publié le 26 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

"Nous avons peur, plus que jamais", confie Mohamed Sheikh, un réfugié somalien vivant dans le camp de Dadaab, dans le nord-est du Kenya. Comme ailleurs dans le pays, la communauté somalienne craint des représailles après l’attaque meurtrière du Westgate de Nairobi par des terroristes Shebab.

Près de 405 000 personnes peuplent le complexe de camps de Dadaab, le plus grand du monde, situé à une centaine de kilomètres de la frontière somalienne. Régulièrement, des Somaliens viennent trouver refuge dans cette ville de tentes de branchages et de plastique, fuyant conflits et sécheresses.

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La Somalie a basculé dans l’anarchie depuis la destitution du dictateur Siad Barre en 1991. Aujourd’hui, la guerre civile rattrape les réfugiés. Nombre d’entre eux haïssent les Shebab. De fait, ils ont précisément fui la violence de ces insurgés islamistes qui font régner la terreur en Somalie, et qui ont revendiqué la longue et sanglante attaque du centre commercial Westgate de la capitale kényane. Celle-ci aurait été organisée en représailles à l’intervention armée kényane en Somalie. Depuis deux ans, les forces kényanes ont de fait contribué à déloger les insurgés de la capitale et de tous leurs bastions du centre et du sud somaliens.

Amalgame

Après le carnage de Nairobi – au moins 67 personnes sont mortes et des dizaines sont portées disparues –, les réfugiés somaliens disent que le risque d’amalgame est encore plus grand qu’avant. "Ce sont les Shebab qui nous ont fait du mal en Somalie (…) et ils nous suivent maintenant au Kenya", déplore Mohamed Sheikh. "Mais les responsables kényans ne voient pas la différence entre eux et nous".

L’inquiétude ne se limite pas au camp de Dadaab. Tout le nord-est kényan est majoritairement habité par des Kényans d’ethnie somali. À Nairobi, un quartier entier, celui d’Eastleigh, est surnommé "Little Mogadiscio" en référence à sa population, elle aussi majoritairement composée de Kényans somali ou de Somaliens. "L’attaque est un grand problème pour nous. Nous aimons la paix et la communauté qui vit ici veut aussi la paix", affirme Abdihakim Bidar, un homme d’affaires d’Eastleigh. "Mais les Shebab veulent le chaos au Kenya, ils veulent nous diviser et déclencher une guerre entre les Somaliens et les Kényans".

Pendant le siège du Westgate, des hommes d’affaires somaliens ont apporté des vivres aux soldats et aux équipes médicales postés autour du bâtiment.

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Le fait est que beaucoup de Somaliens sont relativement bien intégrés. Pendant le siège du Westgate, des hommes d’affaires d’Eastleigh sont ainsi venus apporter nourriture et eau aux soldats et aux équipes médicales postés autour du bâtiment. Des Kényans d’ethnie somali figuraient aussi parmi les forces de sécurité qui ont extrait des civils du centre commercial.

Les autorités kényanes ont appelé le pays à l’unité dans cette crise et demandé aux différentes communautés de rester calmes. Lors du discours annonçant la fin du siège, le président kényan, Uhuru Kenyatta, a lui-même appelé les gens à rester "tolérants, bienveillants, généreux et loyaux les uns envers les autres". Sur les réseaux sociaux aussi, des Kényans ont appelé à l’unité.

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Agressions régulières

Mais dans le passé, à la suite d’attaques à la grenade de bien moindre ampleur imputées à des sympathisants shebab, des organisations de défense des droits de l’homme avaient déjà accusé la police kényane de harceler les réfugiés somaliens. Par ailleurs, Human Rights Watch avait dénoncé plus tôt cette année des cas de viols de réfugiées somaliennes perpétrés par la police.

La situation des Somaliens était déjà précaire avant l’attaque. "L’année dernière, ma femme a été attaquée par un groupe d’hommes. (…) Ils l’ont frappée parce qu’elle est d’origine somalienne", confie Abdihakim Bidar. Des agressions similaires sont monnaie courante dans le nord-est, notamment dans la localité de Garissé, proche de la Somalie et régulièrement frappée par des attaques imputées aux shebab.

De vieilles craintes ont resurgi durant les quatre jours de siège du Westgate. "Quand les premières nouvelles sont tombées sur le siège du centre commercial, c’était inquiétant, mais quand les Shebab l’ont revendiqué, ça l’a été plus encore", résume Mohamed Sulub, un commerçant de Garissé. "Nous sommes des gens innocents, mais les Kényans des autres tribus nous jugent malfaisants", déplore-t-il. "Nous ne le sommes pas, ce ne sont que les Shebab qui n’ont aucune religion ni tribu".
 

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