Soudan : la colère populaire prend de l’ampleur à Khartoum
Les manifestations anti-gouvernementales se poursuivaient mercredi, au Soudan, pour le troisième jour consécutif. Les cortèges de protestataires ont pris de l’ampleur à Khartoum, où les écoles et les magasins étaient fermés et les connections internet interrompues.
La grogne populaire monte au Soudan. Depuis trois jours, des manifestations anti-gouvernementales, qui ont déjà fait trois morts, ont lieu en différentes villes du pays. Ces protestations, provoquées par la décision du gouvernement de lever les subventions sur les prix des carburants, sont les plus importantes depuis l’arrivée au pouvoir du général Omar el-Béchir en 1989.
De nouvelles manifestations spontanées ont éclaté, mercredi 25 septembre au matin, dans au moins six quartiers de Khartoum, où des protestations qui avaient commencé mardi soir se sont poursuivies jusqu’à l’aube. "Liberté, liberté", "le peuple veut la chute du régime", scandaient les manifestants, parmi lesquels figuraient beaucoup d’étudiants. Des pierres ont été lancées sur la police, qui a répliqué en tirant des grenades lacrymogènes.
Mercredi, les magasins étaient fermés à Khartoum et dans sa ville jumelle, Oumdurman. Plusieurs routes étaient coupées, les manifestants ayant mis le feu à des pneus usagés. Une épaisse fumée noire se dégageait de plusieurs quartiers de la capitale. Plusieurs voitures garées dans le parking d’un grand hôtel situé à 500 mètres de l’aéroport de Khartoum et une station d’essence avoisinante ont aussi été incendiées. Les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser les manifestants à coups de grenades lacrymogènes et une vingtaine de personnes ont été arrêtées. Déployés en nombre, les policiers bloquaient à la mi-journée une partie de l’axe menant à l’aéroport.
Face à l’extension des troubles, les autorités ont annoncé la fermeture des écoles de Khartoum jusqu’au 30 septembre. Les connections internet ont été coupées dans la capitale, sans qu’il soit possible de déterminer s’il s’agissait d’une panne ou d’une coupure délibérée de la part des autorités, des appels à manifester ayant notamment circulé sur les réseaux sociaux.
Trois morts en trois jours
Un étudiant qui participait aux manifestations à Oumdurman, Omar Mohammed Ahmed Al-Khidr, a été tué mercredi. La police a pour sa part fait état d’un mort dans la capitale, tué selon elle lors d’une tentative de pillage.
"La plupart des régions de la province de Khartoum ont connu des troubles et des rassemblements non autorisés dans le but de porter atteinte aux propriétés et de se livrer à des pillages (…) ce qui a nécessité l’intervention de la police", a annoncé un communiqué des forces de l’ordre.
Mardi, des manifestants avaient pillé et incendié le siège du Parti du congrès national – la formation au pouvoir – à Oumdurman. Les manifestations avaient commencé la veille à Wad Madani, chef-lieu de la province d’Al-Jazira au sud-est de Khartoum, où, selon la police, un manifestant a été abattu par des inconnus. Le mouvement de protestation a également touché la région du Darfour, dans l’ouest du pays, où des milliers de personnes, pour la plupart des lycéens, ont manifesté contre le régime et la hausse des prix à Nyala, la capitale du Darfour-Sud.
Le gouvernement avait annoncé lundi une forte hausse du carburant, à la suite de la suspension des subventions de l’État dans le cadre d’une série de réformes économiques. La veille, le président Omar el-Béchir avait déclaré que les subventions des produits pétroliers avaient atteint "un niveau dangereux pour l’économie".
En 2012, des violentes manifestations contre le régime d’Omar el-Béchir avaient déjà eu lieu après l’annonce de mesures d’austérité similaires, dont des hausses d’impôts et du prix du pétrole. Khartoum a perdu des milliards de dollars de revenus pétroliers depuis l’indépendance, il y a deux ans, du Soudan du Sud, qui a récupéré près de 75% de la production de brut du Soudan d’avant la sécession. Depuis, le Soudan est touché par une inflation galopante et connaît une grave pénurie de dollars pour financer ses importations.
(Avec AFP)
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