Unesco : SOS, patrimoine en détresse !

Dans les zones de conflits, la sécurité des sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco est mise à mal. La liste des joyaux de l’humanité en péril ne cesse de s’allonger.

Des silamistes détruisent un mausolée à Tombouctou en décembre 2012. © AFP

Des silamistes détruisent un mausolée à Tombouctou en décembre 2012. © AFP

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 25 septembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Période sombre pour le patrimoine mondial. Tombeaux soufis carbonisés en Tunisie, mausolées de Tombouctou fracassés à coups de pioche, églises coptes incendiées et musées pillés en Égypte, forteresses des croisés pilonnées à l’arme lourde en Syrie… À mesure que les troubles se prolongent en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, le catalogue des biens volés et des sites saccagés s’épaissit. La liste du patrimoine mondial en péril a enregistré un record d’inscriptions ces quatre dernières années. Six sites classés par l’Unesco avaient reçu cette triste distinction entre 2004 et 2008, ils sont vingt et un depuis 2009, dont plus de la moitié en Afrique et au Proche-Orient.

En période de crise, la désorganisation des pouvoirs publics et le manque de sécurité rendent le patrimoine particulièrement vulnérable. Le fabuleux musée du Caire a subi effractions et vols pendant les semaines révolutionnaires de 2011. Les collections de manuscrits et de livres rares de l’institut d’Égypte sont parties en fumée. Le 14 août 2013, alors que la situation dégénérait à nouveau après l’éviction du président Mohamed Morsi, le musée Mallaoui à Minya était intégralement pillé. Plus de mille pièces couvrant toute l’histoire égyptienne ont disparu. Dans ces régions de civilisations anciennes, les sols renferment des trésors et l’absence de protection incite trafiquants et, parfois, populations locales à éventrer les ruines à la recherche de précieux artefacts – y compris au bulldozer sur certains sites syriens. Souvent situés à proximité des agglomérations, les lieux classés ont également souffert d’occupations et de constructions illégales, comme en Tunisie après la chute du raïs Ben Ali.

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Guerre et paix

Quand la guerre fait rage, le patrimoine peut devenir victime collatérale, voire cible. En juin 2011, le "Guide" libyen n’a pas hésité à bombarder la cité historique de Ghadamès. Lors de l’opération Serval contre les jihadistes au Mali, l’Unesco a fait distribuer 8 000 cartes du patrimoine local aux soldats français, par précaution. En Syrie, les forteresses des croisés, bâties sur des points stratégiques, sont devenues des bunkers insurgés, cibles de missiles balistiques. Pire, souligne Irina Bokova, la directrice générale de l’organisation, les démolitions sont "souvent des actes délibérés pour détruire une identité". En Afrique, pour éradiquer les pratiques locales de l’islam, les salafistes rasent ainsi les tombeaux des saints.

Mais la paix ne garantit pas forcément de statut sacré. Faute d’entretien, un minaret d’une mosquée classée au patrimoine mondial à Meknès, au Maroc, s’est effondré en 2010, faisant 41 morts. Un sort qui guette nombre de bâtiments vétustes de l’île de Gorée, au Sénégal (également classée). À Beyrouth au Liban, c’est la spéculation immobilière qui a entraîné la destruction d’un port phénicien en 2012, tandis qu’en Tunisie, l’ex-clan au pouvoir est soupçonné d’avoir détourné ou exporté illégalement nombre d’antiquités. Plus paradoxale encore : la surexploitation du label "patrimoine mondial" à des fins commerciales. Les déferlements touristiques dégradent parfois plus sûrement les trésors de l’Histoire que les outrages des siècles.

>> À lire : retrouvez dans Jeune Afrique n°2750, en kiosques du 22 au 28 septembre, notre Grand angle ‘Unesco, la bataille de Fontenoy"

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