Attaque de Nairobi : au moins 68 morts, les Shebab menacent de tuer les otages

Commencé samedi 21 septembre à la mi-journée, l’assaut d’un centre commercial de Nairobi, par des terroristes somaliens shebab, a fait au moins 68 morts. Les jihadistes menacent désormais d’assassiner les otages qu’ils disent détenir.

Forces spéciales kényanes en cours de déploiement au Wesgate Mall, à Nairobi. © Capture décran/AFP

Forces spéciales kényanes en cours de déploiement au Wesgate Mall, à Nairobi. © Capture décran/AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 23 septembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Mis à jour à 10h31.

Le commando islamiste shebab ("jeunes" en arabe) qui a pris d’assaut, samedi 21 septembre, le centre commercial Westgate de Nairobi, a menacé lundi d’abattre les otages détenus. "Nous autorisons les moudjahidines à l’intérieur du bâtiment à agir contre les prisonniers", a prévenu le porte-parole des terroristes, Sheikh Ali Mohamud Rage, dans une déclaration mise en ligne sur un site internet islamiste. "Nous disons à ces chrétiens qui avancent contre les moudjahidines d’avoir pitié de leurs prisonniers" qui pourraient "récolter les fruits de la pression exercée contre les moudjahidines", affirme le porte-parole.

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Un nouvel assaut des forces de sécurité a été lancé lundi matin ; une intense fusillade et de fortes explosions ont été entendues dans le centre commercial.

Dans leur dernier message, les Shebab dénoncent les "tentatives d’intimidation des forces d’Israël et d’autres gouvernements chrétiens" à l’encontre du commando. Le choix de la cible n’est pas anodin : le Wesgate Mall, un imposant bâtiment beige de quatre étages dans le quartier aisé de Westlands, est le fruit d’investissements d’hommes d’affaires indiano-kényans et israéliens. Tel Aviv et Nairobi sont d’ailleurs liés par un accord de coopération dans la lutte contre les insurgés somaliens shebab depuis noveambre 2011 et l‘État hébreu a envoyé ses forces spéciales assister leurs homologues kényanes. Les intérêtes israéliens avaient d’ailleurs déjà été visés par un attentat à Mombasa, en 2002. Et selon Marie-Aude Fouéré, directrice adjointe de l’Institut français de recherche en Afrique (Ifra) interrogée par RFI, les Shebabs recruteraient de plus en plus de non somaliens, dont des Kenyans qui pourraient représenter environ 10% des effectifs.

Assassinats ciblés

En revendiquant l’attaque de Nairobi qui a fait au moins 68 morts, les Shebab ont légitimé leur action par l’intervention kenyane contre eux depuis octobre 2011 en Somalie. Ils ont précisé sur leur compte Twitter que "seuls les infidèles ont été visés par cette attaque. (…) Tous les musulmans dans le Westgate ont été évacués par les moujahidines", ont-ils assurés.

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Un survivant, Jay, dit avoir vu les Shebab rassembler des clients, leur poser des questions – probablement pour savoir s’ils étaient musulmans – et en exécuter certains. Selon lui, "ils parlaient quelque chose qui ressemblait à de l’arabe ou du somali. J’ai vu des personnes être exécutées après qu’on leur a demandé de dire quelque chose", dit-il.

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Un homme blessé pendant l’attaque du centre commercial est transporté à l’hôpital, le 21 septembre 2013 à Nairobi, au Kenya. © AFP

Enfants tués

Un autre ne doit sa survie qu’à une bonne dose de chance. "J’étais sur le toit du Westgate Mall, dans le parking. (…) Soudain, j’ai entendu des cris et des coups de feu partout", raconte-t-il. "J’ai eu peur. J’ai essayé de descendre les escaliers mais j’ai vu quelqu’un au contraire foncer vers les étages, j’ai fait demi-tour et me suis caché à mon tour". Il s’est alors allongé au sol, faisant le mort. L’un des assaillants s’est approché, l’a observé pendant d’interminables secondes. "Heureusement il a fini par partir", dit-il. "Après un moment, la police est arrivée et nous avons été évacués".

Sudjar Singh, employé du centre, s’en est lui aussi sorti de justesse. "Les hommes armés ont tenté de me tirer dans la tête mais ils m’ont manqué. Dans sa tête, une image qu’il n’oubliera pas: le cadavre d’un enfant en train d’être évacué du centre commercial, un imposant bâtiment beige rectangulaire. "Le petit garçon était évacué sur un caddie, il devait avoir cinq ou six ans. Il avait l’air mort", se souvient-il, les yeux rougis par l’émotion. De nombreux enfants ont été tués dans l’attaque dont le bilan est encore loin d’être définitif.

Le neveu de Kenyatta parmi les victimes

Plusieurs étrangers, dont deux Françaises, trois Britanniques, un Sud-africain, une Sud-Coréenne, une Néerlandaise, un Péruvien et deux Indiens ont été tués dans l’attaque, ainsi qu’un célèbre poète et homme d’Etat ghanéen, Kofi Awoonor. Cinq Américains et de nombreux autres Occidentaux figurent parmi les blessés.

Le président kényan Uhuru Kenyatta a annoncé que son neveu et la fiancée de ce dernier figuraient parmi les personnes tuées. Les responsables de l’attaque "devront payer pour leurs actes ignobles et bestiaux", a-t-il menacé dimanche, affirmant que son pays ne se laisserait pas "intimider".

par ailleurs, la Cour pénale internationale (CPI) a autorisé lundi le vice-président kényan William Ruto à s’absenter de son procès durant une semaine afin qu’il puisse rentrer au Kenya pour gérer la crise provoquée par la sanglante attaque d’un centre commercial à Nairobi. "Au vu des circonstances, la chambre excuse M. Ruto des débats devant cette cour (…) pour une semaine seulement", a déclaré le juge Chile Eboe-Osuji lors d’une audience publique à La Haye, où siège la CPI. La défense avait demandé à ce que M. Ruto soit excusé deux semaines.

(Avec AFP)

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