Affaire Karim Wade : Bibo Bourgi, la dégringolade
Considéré comme le principal complice de Karim Wade, qui vient de faire l’objet d’une seconde mise en demeure pour enrichissement illicite, l’homme d’affaires Bibo Bourgi paie au prix fort son amitié ancienne avec le fils de l’ancien président sénégalais.
Pour Ibrahim Aboukhalil, plus connu sous le surnom de Bibo Bourgi (le patronyme de sa mère), les répercussions de la procédure pour enrichissement illicite qui vise depuis plus de cinq mois Karim Wade n’en finissent pas de s’aggraver. Mi-avril, considéré par le Parquet spécial comme son principal homme de paille, Bibo Bourgi prenait, tout comme lui, la direction de la prison de Rebeuss, à Dakar. Rapidement transféré vers le pavillon spécial de l’hôpital Le Dantec, en raison d’une pathologie cardiaque très sérieuse, il finira par bénéficier d’une liberté provisoire sous contrôle judiciaire au terme de plusieurs expertises médicales.
>> Lire aussi : Bibo Bourgi, un fidèle en eau trouble
Dans le même temps, une mesure d’administration provisoire était adoptée par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) concernant le fleuron de la dizaine de sociétés dont Bibo Bourgi et son frère Karim sont les actionnaires officiels – mais que les magistrats soupçonnent d’être détenues en sous-main par Karim Wade : Aviation Handling Service (AHS), qui opère à l’aéroport de Dakar.
Après l’avoir virtuellement dépossédé de ces entreprises, imputées au patrimoine de Wade Junior, la CREI vient à présent d’obtenir des autorités monégasques le placement sous séquestre de trente comptes domiciliés à la banque Julius Baër. Un seul appartient à Karim Wade – qui a un mois pour justifier l’origine des 2,5 millions d’euros qui y sont placés depuis 2003. Mais la plupart ont pour bénéficiaires économiques officiels Bibo Bourgi, son frère Karim (absent du Sénégal et qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international) ou leur associé Mamadou Pouye (lui aussi inculpé).
Empire immobilier et industriel
Plus étonnant, certains comptes appartenant à la tante ou au cousin des frères Bourgi font également l’objet de la mesure. Quand on sait que les héritiers d’Abdou Karim, le grand-père de Bibo (qui contribuait déjà au financement du parti de Léopold Sedar Senghor dans les années 1950 et dont une rue à Dakar porte le nom), sont à la tête d’un véritable empire immobilier et industriel, il est permis de se demander où les magistrats de la CREI traceront la frontière entre leur patrimoine et celui qu’ils suspectent d’être la propriété occulte de Karim Wade.
Au terme de la seconde mise en demeure qui lui a été notifiée le 13 septembre, l’ancien "ministre du Ciel et de la Terre", déjà soupçonné d’être à la tête d’un patrimoine illicite de plus d’1 milliard d’euros, doit à présent justifier l’origine de 151 millions d’euros supplémentaires. Une somme calculée en additionnant l’ensemble des versements effectués sur les trente comptes bancaires monégasques au cours de la dernière décennie. Pour les avocats de Bibo Bourgi comme pour ceux de Karim Wade, ce mode de calcul – privilégié par rapport à un cumul des soldes bancaires – est stupéfiant. Et le timing de cette seconde mise en demeure ne peut, selon eux, s’expliquer que par une fuite en avant du Parquet spécial, qui voit arriver l’échéance – le 15 octobre – du délai de six mois au terme duquel la commission d’instruction est censée renvoyer les inculpés devant la CREI ou les faire bénéficier d’un non-lieu.
Mandat de dépôt
Or depuis mi-avril, ni Bibo Bourgi ni Karim Wade n’ont été entendus par les magistrats instructeurs sur le fond du dossier. Une seconde mise en demeure permettrait de pallier ce retard et de renouveler pour un semestre le mandat de dépôt du fils d’Abdoulaye Wade ainsi que la durée de l’instruction. Des méthodes dénoncées avec vigueur par la défense du très médiatisé Karim Wade et du très discret Bibo Bourgi (aucune photo de lui ne circule). "Il ne s’agit pas de faits nouveaux mais de l’extension de la première inculpation, s’indigne l’un des défenseurs de l’homme d’affaires. S’ils s’autorisent tout ça, c’est parce que la loi sur la CREI ne prévoit pas de véritable voie de recours".
Chez les défenseurs de Karim Wade, qui ont jusqu’au 13 octobre pour répondre à la seconde mise en demeure, l’imputation à leur client du patrimoine bancaire des Bourgi à Monaco provoque un étonnement amusé, dans la mesure où aucun mouvement de fonds entre leurs comptes et ceux de Karim Wade n’a été constaté par l’expert qui les a analysés. "Je suis tellement impatient d’aller au procès !", s’exclame, sûr de lui, l’un de ses avocats.
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Par Mehdi Ba, à Dakar
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