Tunisie : les médias en grève pour dénoncer les pressions du gouvernement
Des centaines de manifestants ont défilé, lundi à Tunis, pour exprimer leur soutien au journaliste Zied el-Heni, libéré après un week-end en prison. Les médias du pays ont prévu une grève mardi pour dénoncer les pressions du gouvernement à l’encontre de la presse.
Zied el-Heni, le journaliste dont l’incarcération, vendredi 13 septembre, avait déclenché une levée de bouclier, a été libéré, lundi, à la veille d’une grève des médias pour dénoncer les pressions du gouvernement contre la presse.
"C’est une victoire de tous les défenseurs de la liberté d’expression sur ceux qui, avec l’aide de l’appareil judiciaire, voulaient confisquer cette liberté et régler leurs comptes avec ceux qui ne veulent pas céder", a déclaré le journaliste Zied el-Heni après sa libération, à la suite du versement d’une caution.
Il avait été incarcéré pour avoir accusé un procureur de falsifier des preuves impliquant un caméraman dans une affaire de jet d’oeuf contre un ministre en août. Le vidéaste en question a passé trois semaines en prison. Il a été libéré mais reste inculpé. Le lanceur d’œuf, un cinéaste, est lui toujours en prison.
Craintes pour la liberté d’expression
La détention provisoire de Zied el-Heni avait été ordonnée vendredi matin mais une juridiction d’appel a décidé dans la soirée qu’il était libérable sous caution. Le versement de celle-ci n’était possible que lundi matin, si bien que le reporter a passé le week-end en prison. "Le dossier doit maintenant retourner devant le juge d’instruction qui doit écouter nos arguments. Selon moi, cette affaire doit être classée", a estimé l’avocat du journaliste, Me Abdelaziz Essid.
Des centaines de manifestants ont par ailleurs manifesté place de la Kasbah à Tunis, où siège le gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahdha, pour exprimer leur soutien à Zied el-Heni et dénoncer les atteintes à la liberté d’expression.
L’incarcération du journaliste avait été précédée par une série d’affaires qui ont ravivé les craintes pour l’avenir de la liberté d’expression acquise avec la révolution de janvier 2011. Outre des reporters poursuivis pour diffamation envers des hauts fonctionnaires, deux rappeurs ont notamment été condamnés fin août à 21 mois de prison pour des chansons jugées insultantes envers la police. Les deux jeunes, aujourd’hui en cavale, n’avaient pas été informés de leur inculpation, ni de la tenue d’un procès.
Grève des médias
Dans ce contexte, le Syndicat national des journalistes tunisiens a appelé à une grève des médias, mardi, pour dénoncer les pressions de la Justice, de la police et du gouvernement. Un précédent débrayage avait été très suivi en octobre 2012. La présidence tunisienne a pour sa part réaffirmé son engagement pour "les principes sacrés de la liberté d’expression et d’opinion" tout en appelant à la rédaction d’une nouvelle législation pour que les "abus des médias" ne soient pas "des délits relevant du pénal et passible d’emprisonnement".
Actuellement, le droit des médias est en théorie régi par les décrets 115 et 116 adoptés après la révolution de 2011, mais les procureurs continuent en parallèle de s’appuyer largement sur le code pénal hérité du régime déchu, toujours en vigueur, et qui prévoit des peines de prison ferme pour des délits de presse et d’opinion.
(Avec AFP)
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