Syrie : le démantèlement des stocks d’armes chimiques, une manoeuvre dilatoire ?

La Syrie a accepté, mardi, la proposition russe de placer son arsenal chimique sous contrôle international, proposition faite la veille et reprise par les Nations unies dans la foulée. Après être passé à deux doigts de frappes aériennes sur son pays, le régime de Damas s’offre ainsi un peu d’air, sans lâcher beaucoup de lest. Le président américain, Barack Obama, a annoncé mardi qu’il souhaitait privilégier l’option diplomatique, tout en maintenant la pression sur Bachar al-Assad.

Barack Obama et Vladimir Poutine, lors du sommet du G20, début septembre à Moscou. © AFP

Barack Obama et Vladimir Poutine, lors du sommet du G20, début septembre à Moscou. © AFP

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Publié le 10 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour le 11 septembre 2013 à 9 heures 38.

La Syrie a "déjà donné son accord" à la proposition russe de placer son arsenal chimique sous contrôle international, a déclaré, mardi 10 septembre, à Moscou, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, cité par des agences russes. "Hier, nous avons eu une séance de négociations fructueuses avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov (…), et déjà en soirée, nous avons donné notre accord", a-t-il expliqué.

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"Cette initiative peut permettre de mettre un terme à la menace des armes chimiques sans recourir à la force, en particulier parce que la Russie est l’un des plus puissants alliées d’Assad", a déclaré le président américain depuis l’East Room, la salle d’apparat de la Maison Blanche, exactement l’endroit où il avait annoncé à ses compatriotes la mort d’Oussama ben Laden dans un raid de commandos américains en mai 2011.

Barack Obama, qui a dépêché son secrétaire d’État John Kerry à Genève pour des entretiens avec son homologue russe Sergueï Lavrov jeudi, s’est dit déterminé à maintenir la "pression" sur le régime syrien. De puissants bâtiments de guerre américains équipés de missiles de croisière ont été déployés ces dernières semaines en Méditerranée orientale. "J’ai donné l’ordre à notre armée de garder ses positions actuelles, pour maintenir la pression sur Assad et afin d’être prête à réagir si la diplomatie échoue", a-t-il prévenu. "Même une attaque limitée ferait passer un message à Assad : aucun autre pays ne peut envoyer", a assuré le président américain.

"La partie russe travaille actuellement à l’élaboration d’un plan réalisable, précis, concret pour lequel des contacts sont en cours en cet instant avec la partie syrienne", a indiqué, pour sa part, Sergueï Lavrov, tandis que le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, a annoncé que Paris allait proposer au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution prévoyant le "contrôle et le démantèlement" des armes chimiques syriennes. Conformément au souhait de la chancellerie britannique, celle-ci inclut la possibilité d’un recours à la force en cas de manquement aux obligations, via le recours au chapitre 7 de la charte des Nations unies, une option à laquelle la Russie et la Chine, qui disposent tous deux d’un droit de veto, s’opposent.

Un arsenal introuvable ?

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La Syrie, qui n’a pas ratifié la Convention sur l’interdiction de la fabrication et du stockage des armes chimiques entrée en vigueur en 1997, détiendrait d’importants stocks de sarin, de gaz moutarde et de VX, un gaz innervant.  Mais la localisation des stocks, qui sont répartis dans le pays, sera difficile. Amy Smithson, experte en armes de destruction massives au Centre James Martin pour les études sur la non-prolifération, souligne ainsi le manque de données précises sur les stocks syriens. Et rappelle à juste titre les années de cache-cache en Irak entre les inspecteurs de l’ONU et le président de l’époque, Saddam Hussein.

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Le général Moustapha Al-Cheikh, un déserteur de l’armée syrienne, a déclaré à Reuters cet été que les armes chimiques syriennes avaient été transportées pour l’essentiel à Lattaquié et près de la côte méditerranéenne. Certains stocks sont toutefois restés dans des bases près de Damas, a-t-il ajouté. Les experts américains estiment qu’il faudra des mois pour les localiser et les sécuriser et des années pour les détruire. Un constat sur lequel, Nikolaï Zobine, directeur du Centre d’information sur la défense américaine, cité par Libération, les rejoint : "les Syriens vont commencer à raconter que certains stocks ont disparu, ne sont pas pris en compte, sont tombés aux mains des rebelles. Et quand on exigera qu’ils laissent inspecter tout le pays, la Russie comme Assad refuseront".

Éviter une guerre

Dès lors, l’opposition syrienne n’a pas manqué de dénoncer l’initiative de Moscou, y voyant une "manœuvre politique" du régime de Damas et de son allié russe, selon un communiqué. Le chef des rebelles syriens, Selim Idriss, a ainsi parlé de menteurs en évoquant Assad et Poutine qui, pour lui, auraient simplement trouvé un moyen de gagner du temps.

Mais étaient-ils les seuls ? Isolés à l’extérieur, contestés à l’intérieur, vus comme des va-t-en-guerre, les présidents Hollande et Obama ont accueilli l’initiative moscovite comme une occasion d’interrompre leur propre compte-à-rebours. Tout en émettant des conditions à l’acceptation du projet russe, et en insistant sur des sanctions si celui-ci n’était pas respecté, ils ont surtout trouvé le moyen de reculer la tête haute, reprenant leur chorégraphie diplomatique. Une danse de salon(s) pour éviter une guerre de terrain, tandis qu’une autre s’y déroule déjà depuis plus de deux ans et demi. Plus de 100 000 personnes y ont déjà péri.

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Par Mathieu OLIVIER

(Avec agences)

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