Babacar Gaye, un Sénégalais au chevet de la Centrafrique
Le militaire sénégalais a été nommé, le 9 juillet, par Ban Ki-moon représentant spécial des Nations unies en Centrafrique. Face à la gravité de la situation, il a rapidement imposé son empreinte.
Mis à jour le 3/09 à 15h40
Est-ce le CV imposant ou le regard sévère ? Toujours est-il que Babacar Gaye impose le respect partout où il passe. Nommé représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, en Centrafrique dans le courant du mois de juillet, ce général sénégalais de 63 ans a déjà conquis son monde. Depuis qu’il est à Bangui, "il ne déçoit pas", assure un diplomate français. "Il est intelligent, dit et écrit les choses sans langue de bois". Fin connaisseur des crises d’Afrique centrale, il a rapidement pris la mesure de la situation et renforcé la coordination du "club des cinq", les principaux partenaires du pays qui sont la France, les États-Unis, l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies.
Militaire chevronné, Babacar Gaye a suivi toute sa formation en France. Issu de la promotion "De Gaulle" à Saint-Cyr (1970-1972), il y "a laissé de très bon souvenir", se souvient un ancien pensionnaire de cette célèbre école. Il y côtoie notamment le général Mathias Doué, l’ex-chef d’État-major de l’armée ivoirienne (2000-2005).
Fils de l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères, Amadou Karim Gaye (1968-1972), il gravit rapidement les échelons de l’armée sénégalaise. Une longue carrière qui l’amène à participer à deux opérations de la paix de l’ONU dans le Sinaï, dans les années 1970, et au sud Liban, dix ans plus tard. En 2000, nommé par le président Abdoulaye Wade, il devient le plus jeune chef d’État-major des armées.
Drame de Joola
Vient ensuite le principal point noir de sa carrière. Le 26 septembre 2002, le Joola, un navire reliant Ziguinchor (Casamance) et Dakar, sombre au large de la Gambie, emportant avec lui près de 1 900 personnes. Mis en cause du fait de son poste de chef d’État-major, Babacar Gaye est contraint de démissionner. Au Sénégal, l’instruction a été classée sans suite en 2003, mais il est toujours sous le coup d’un procès de la justice française.
Sans doute pour le protéger de l’agitation nationale, les autorités sénégalaise l’envoient en Allemagne où il endosse le costume d’ambassadeur. L’expérience ne dure qu’un an (2004-2005) puisqu’il est rapidement dépéché en RDC pour prendre en charge le commandement de la force de la Mission de l’Organisation des Nations unies (Monuc – devenue Monusco). Un poste prestigieux, mais médiatiquement très exposé. Particulièrement bien équipée, la Monuc est accusée d’assister sans réagir aux massacres de civils par les factions armées. Sous son commandement, la force n’échappe pas aux critiques.
Babacar Gaye quitte une première fois la Monuc en septembre 2008. Il est remplacé par l’Espagnol Vicente Diaz de Villegas, mais suite à la rapide démission de ce dernier, il reprend temporairement ses fonctions. "C’était une période très chaude. Je lui ai demandé de revenir parce que nous avions besoin de quelqu’un qui connaissait la situation et les autorités en place", explique Alain Le Roy, responsable des opérations de maintien de la paix de l’ONU de 2008 à 2011. À l’époque, le rebelle Laurent Nkunda est à deux doigts de prendre Goma, la capitale du Nord-Kivu. "Gaye a joué un rôle prépondérant dans la protection de la ville", assure le diplomate français.
En 2010, Alain Le Roy en fait son conseiller militaire, poste où il est en charge de la planification et du suivi des opérations de maintien de la paix dans le monde entier. Lors de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire en 2010-2011, Babacar Gaye fait la liaison entre le commandement de l’Onuci et le Conseil de sécurité lors de la bataille d’Abidjan. Il est notamment en charge de sécuriser l’hôtel du Golf, QG d’Alassane Ouattara soumis au blocus des forces fidèles à Laurent Gbagbo.
Sa nomination à Bangui à la place de la Nigériane Margaret Vogt, jugée trop proche de l’ancien régime de François Bozizé, montre que ses compétences politiques sont reconnues. Sa compréhension des arcanes des Nations unies fait de lui la personnalité la plus à même de prendre en main une possible mise sous tutelle du pays.
Conseil de sécurité
Babacar Gaye a rapidement imposé son style sur la Centrafrique. Le 14 août, à la tribune du Conseil de sécurité, il présente un rapport sans concession. "Son intervention a été diversement appréciée par les autorités de transition, mais a eu le mérite de réveiller la communauté internationale", confie un diplomate africain.
Dans la capitale centrafricaine, le représentant de l’ONU s’active. Le 27 août, alors que les exactions des combattants de la Séléka se multiplient dans le Nord de la ville, il est de la petite équipe de diplomates qui remet au président de la transition, Michel Djotodia, une liste de mesures à prendre immédiatement. En fin de journée, des milliers de personnes envahissent l’aéroport international. Le lendemain, ses propositions sont presque toutes validées par le Conseil national de sécurité (CNS).
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Par Vincent Duhem
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