Tunisie : Weld El 15 et un autre rappeur condamnés à de la prison ferme
Les deux rappeurs tunisiens Weld El 15 et Klay BBJ ont été condamnés, à l’issue d’un procès dont ils n’avaient pas été prévenus, à 21 mois de prison en raison de paroles jugées offensantes envers les fonctionnaires. Leur avocat dénonce une nouvelle atteinte à la liberté d’expression.
Les troubles judiciaires continuent pour Ala Yaacoubi, plus connu sous le nom de Weld El 15. Le célèbre rappeur tunisien et son camarade Ahmed Ben Ahmed, alias Klay BBJ, ont été condamnés à 21 mois de prison en raison de paroles tenues, le 22 août, pendant un concert à Hammamet, une station balnéaire à 60 km de Tunis, prisée des touristes étrangers.
"Ce procès a eu lieu sans que nous ayons reçu de convocation (…) je vais parler à mes clients pour faire opposition à ce jugement mais cette peine de prison ferme montre que l’acharnement contre la liberté artistique, la liberté d’expression, continue", a déclaré leur avocat, Me Ghazi Mrabet. "C’est un jugement avec exécution immédiate", a-t-il ajouté. Les deux musiciens peuvent dès lors être incarcérés à tout moment.
Les deux rappeurs ont été condamnés et jugés sans avoir été prévenus du procès, ni informés de leur inculpation pour outrage à des fonctionnaires, atteinte aux bonnes mœurs et diffamation. L’avocat, qui dénonce des vices de procédures grossiers, a été informé vendredi, par des médias citant des sources judiciaires, de la condamnation de ses clients, mais a dû attendre lundi pour en avoir la confirmation auprès du tribunal de Hammamet.
Les deux musiciens, dont Weld El 15, déjà condamné début juillet pour une chanson insultant la police, avaient été interpellés dans la nuit du 22 août à l’issue d’un concert à Hammamet. Les policiers estimaient que leurs textes avaient été offensants envers des fonctionnaires, délit passible de prison en Tunisie. Lors de l’interpellation, Weld El 15 aurait été violemment battu par les policiers avant d’être relâché. Son avocat dit disposer d’un certificat médical attestant d’une incapacité de travail de seize jours.
Des poursuites contre ce même rappeur avaient fait scandale au début de l’été. Après avoir écopé de deux ans ferme en première instance, il avait vu, début juillet, sa peine réduite en appel à six mois avec sursis pour sa chanson "Boulicia Kleb" ("Les policiers sont des chiens").
"Vengeance"
"C’est une vengeance (…) les autorités n’ont pas compris que ces questions doivent susciter un débat public et non des procès et le harcèlement permanent des rappeurs", a dénoncé Thameur Mekki, qui dirige le comité de soutien à ces musiciens. "Nous allons nous organiser, nous allons nous mobiliser avec les organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté artistique", a-t-il indiqué.
Lors du concert du 22 août, les deux rappeurs n’ont pas interprété "Boulicia Kleb" mais d’autres morceaux, dont certains datant de l’époque de Ben Ali. La police était considérée à l’époque comme l’instrument de la répression contre toutes les formes de critiques à l’égard du régime. "Ces morceaux sont critiques et défient les flics", a indiqué Thameur Mekki.
L’opposition accuse régulièrement le ministère de l’Intérieur d’obéir aux islamistes d’Ennahdha, au pouvoir, accusés d’organiser une islamisation rampante de la société et de chercher à restreindre la liberté d’expression acquise après la révolution de 2011.
Outre les poursuites contre des rappeurs, plusieurs affaires ont laissé un goût amer aux défenseurs des droits de l’homme. En mars 2012, le militant athée Jabbeur Mejri a été condamné à sept ans et demi de prison pour avoir publié sur sa page Facebook des caricatures du prophète Mahomet. Un autre jeune, Ghazi Beji, condamné à la même peine, a obtenu l’asile politique en France.
Un caméraman, Mourad Meherzi, est actuellement en détention provisoire dans l’attente de son procès, pour avoir filmé en août 2013 un artiste, Nasreddine Shili – emprisonné lui aussi – jetant un œuf sur le ministre de la Culture.
(Avec AFP)
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