Roland Marchal : « Le Soudan n’a pas d’agenda politique en Centrafrique »

Chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), spécialiste de la Centrafrique et du Soudan, Roland Marchal revient sur la présence de Soudanais dans l’entourage du président de la transition, Michel Djotodia. S’il concède leur influence, Roland Marchal estime qu’ils agissent en toute indépendance du régime de Khartoum. Interview.

Le président centrafricain, Michel Djotodia. © AFP

Le président centrafricain, Michel Djotodia. © AFP

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Publié le 28 août 2013 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Faut-il s’inquiéter, comme les États-Unis, d’une influence soudanaise sur l’ex-rébellion de la Séléka ?

Roland Marchal (en photo ci-contre) : C’est vrai qu‘il y a des Soudanais dans l’entourage du président la transition Michel Djotodia. Pour plusieurs raisons. Djotodia est un Goula (groupe ethnique qui vit dans le nord-est de la Centrafrique), il a été pendant plusieurs années consul à Nyala, chef-lieu du Sud-Darfour. Il y a noué de nombreuses relations, notamment avec des membres de son propre groupe ethnique résidant au Soudan. C’est eux qui sont aujourd’hui à Bangui.

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Il faut y ajouter des contrebandiers recrutés au tout début du conflit et pendant les derniers jours de l’offensive, mais aussi des citoyens soudanais qui se sont installés sur le territoire centrafricain à l’occasion de différentes crises qu’a connues leur pays.

Tout ce beau monde joue effectivement un rôle dans la Séléka et dans l’entourage de Michel Djotodia. Mais je ne pense pas qu’ils aient un agenda politique ou idéologique différent de celui des membres de l’ex-rébellion.

>>>> Lire aussi : Un ministre soudanais recherché par la CPI présent à l’investiture de Djotodia

Faut-il y voir la main de Khartoum ?

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Non. Le Soudan n’a pas d’agenda politique en RCA. Les relations entre les deux pays se sont réchauffées depuis le coup d’État, mais elles n’étaient pas mauvaises du temps de François Bozizé. Certes, le régime soudanais a adoubé Michel Djotodia, mais c’est surtout parce qu’il est musulman et soutenu par Idriss Déby Itno, le chef de l’État tchadien. Le Soudan veut avant tout préserver les bonnes relations qu’il a avec N’djaména depuis 2009.

Mais une partie des armes de la Séléka ne vient-elle pas du Soudan ?

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Que des armes transitent ne veut pas dire que Khartoum les envoie. Il y en a beaucoup qui circulent dans cette région. C’est la conséquence de la politique du gouvernement soudanais pendant le conflit au Darfour et de la chute du régime de Kadhafi en Libye.

Le Soudan n’a donc pas d’intérêts particuliers en RCA ?

Pas plus que ça. Il y a entre les deux pays du commerce, des trafics – notamment d’ivoire et de diamants – et des routes de transhumance pour le bétail. Mais rien de stratégique. La raison est la même pour le Soudan, la France ou la Grande-Bretagne : la Centrafrique est un pays riche en ressources minières et énergétiques, mais n’a ni les infrastructures, ni la stabilité politique pour les exploiter.

Ce qui intéresse et inquiète le Soudan en Centrafrique, c’est la lutte contre la LRA [Lord Resistance Army]. Car Khartoum accuse les forces ougandaises qui la combattent de fournir les mouvements militaires du Darfour en armes et munitions. Et sur ce sujet précis, la position de Djotodia est la même que celle de Bozizé.
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Propos recueillis par Vincent Duhem

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