Au Caire, pour tromper l’ennui du couvre-feu, on compte les ampoules
La vie nocturne de la capitale égyptienne s’est éteinte depuis le couvre-feu imposé, le 14 août, par les autorités pour faire face aux manifestations des partisans de Mohamed Morsi, le président frère musulman destitué par l’armée le 3 juillet. Une situation qui modifie en profondeur les habitudes des Cairotes, qui n’en perdent pas pour autant leur sens de l’humour. Reportage.
Au Caire, le couvre-feu aura eu raison du rythme trépidant de la ville. Car depuis le 14 août, et jusqu’au 14 septembre, les Égyptiens ne peuvent pas se déplacer dans la capitale une fois la nuit tombée. À la fin de la journée, pas un chat dans les rues, pas un bruit de klaxon. Les embouteillages monstres qui ont fait la renommée de la première métropole du continent ont disparu. Sur les principaux axes de circulation, les check-points militaires se sont multipliés et certaines chaînes de télévision ont installé leurs caméras aux barrages pour filmer les militaires en train de fouiller les véhicules des retardataires. Les restaurants, supermarchés et pharmacies ont interrompu leur service de livraison à domicile, qu’ils proposent traditionnellement jusqu’à tard dans la nuit. Et les Cairotes ne peuvent plus échapper à la chaleur étouffante en trouvant refuge sur les berges du Nil, comme ils ont l’habitude de le faire chaque été.
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"Cette fois-ci, le couvre-feu est vraiment respecté par tout le monde, contrairement à celui qui avait été imposé durant la révolution de janvier 2011", affirme Sayed Hassanein, gérant du café Kasr el-Nil, situé dans le centre-ville du Caire. Son établissement, qui ferme habituellement ses portes aux alentours de 23 heures, cesse toute activité dès le début du couvre-feu. "On peut tout de même se permettre d’être dans la rue jusqu’à 22 heures, il y a encore des transports pour rentrer chez soi", relativise-t-il.
Car à bien y regarder, la ville qui ne dort jamais ne s’est pas totalement assoupie. Le 24 août, le couvre-feu a été allégé, débutant à 21h, heure locale, au lieu de 19 heures. Et si les excursions d’un quartier à un autre restent difficiles, les habitants peuvent se déplacer au sein de leur quartier sans encombre.
Business en berne et autodérision
Il est 22h30 et le Kiosque Hanacha est ainsi toujours ouvert dans la banlieue huppée de Maadi, dans le sud du Caire. "Le premier jour du couvre-feu nous allions fermer, mais les riverains nous ont demandé de rester ouvert la nuit car tout ferme dans le quartier", explique un des employés du kiosque, qui préfère ne pas révéler son identité. Selon lui, le couvre-feu à eu un impact sur les affaires. "On a perdu la moitié de nos clients", affirme-t-il.
À deux pas du kiosque Hanacha, Khaled Oussama, 20 ans, et Emad Fahmi, 23 ans, tous deux étudiants, se sont installés sur le trottoir avec leurs amis, comme ils ont l’habitude de le faire en temps normal. "On sent tout de même l’impact du couvre-feu" estime Khaled. "La plupart des commerçants sont fermés, il n’y a quasiment pas de circulation. Ici à Maadi ca va, mais dans des quartiers centraux comme Ramses ou Abasseya, on ne peut pas se déplacer normalement", ajoute-t-il.
De son côté, Emad affirme qu’il reste possible de sortir du quartier, malgré les nombreuses complications. "Il n’y a pas de transports en commun et les militaires sont partout. Ils vous arrêtent pour vous fouiller et vérifier vos papiers d’identité. Mais en général ils vous laissent passer", indique-t-il.
Sur Twitter, les internautes trompent l’ennui en partageant des faits qu’ils découvrent pendant ce temps mort imposé, regroupés sous le hashtag "les découvertes du couvre-feu". Et ils s’en donnent à cœur joie : "Nous avons 33 ampoules dans l’appartement, sans compter les néons", écrit ainsi un utilisateur, tandis qu’un second affirme : "Les voisins de l’immeuble d’à coté ouvrent leur fenêtre de 19h à 22h, ils ont une fille et un garçon, un téléviseur 42 pouces et un vieil ordinateur." Force est de constater que privés de leur liberté de mouvement, les Égyptiens n’en ont pas pour autant perdu le sens de l’autodérision.
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Tony Gamal Gabriel, au Caire
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