À Bangui, « les seigneurs de guerre ont encore frappé »
Mardi 20 août, une opération de désarmement menée à Boy-Rabe, dans un quartier de Bangui considéré comme un fief de l’ancien président, François Bozizé, a entraîné la mort d’au moins 13 personnes.
Mis à jour le 22/08 à 13h20
Le calme était partiellement revenu à Boy-Rabe, mercredi 21 août, mais les dégâts de l’opération de désarmement de ce quartier situé au nord de Bangui sont considérables. Selon des sources concordantes, on dénombrait treize morts et 38 blessés répartis dans trois hôpitaux de la capitale centrafricaine.
L’opération de ratissage de ce quartier considéré comme un fief des partisans de l’ancien président, François Bozizé, a débuté mardi en fin de matinée. Boy-Rabe a d’abord été encerclé par des soldats de l’ancienne rébellion Séléka, avant qu’une vingtaine de pick-ups ne le pénètrent. Au total, plus de 100 hommes ont été mobilisés et l’opération a été très violente. Les anciens rebelles "ont fouillé les maisons avec une extrême virulence pour trouver des caches d’armes", a expliqué une source sécuritaire à Jeune Afrique. En fin de journée, des combats ont également été signalés à d’autres endroits de la capitale centrafricaine, comme à Boeing.
Cette action a provoqué une levée de boucliers de la communauté internationale. Des représentants de la Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac), de l’Union européenne et de l’ambassade de France ont directement fait part de leur embarras au président intérimaire Michel Djotodia ainsi qu’au ministre de la Sécurité, Nourredine Adam. Inquiéte de la présence d’opérateurs binationaux non loin de la zone des combats, la France a déployé des troupes dans le quartier de Boeing, proche de l’aéroport.
"Éxactions, pillages"
Nourredine Adam a ainsi été contraint de se rendre sur place pour calmer ses troupes. La situation s’est stabilisée mardi vers 20 heures. Une majorité des éléments armés ont quitté Boy-Rabe, non sans oublier "de procéder aux exactions, et pillages habituels", précise une source sécuritaire. Un diplomate en poste à Bangui affirme cependant que des soldats de la Séléka étaient toujours présents dans les parages mercredi.
Les autorités de transition ont justifié cette intervention musclée par la présence de partisans armés de l’ancien président Bozizé. Dans la nuit de samedi à dimanche, des tirs à l’arme lourde avaient été entendus dans ce quartier pourtant bouclé à l’occasion de la prestation de serment de Michel Djotodia. Dans une déclaration à la presse, le procureur du tribunal de Bangui, Alain Tolmo, a affirmé que "28 hommes armés (…) ont été arrêtés par les hommes de la Séléka et mis à la disposition du parquet qui est dans une logique de lutte contre l’impunité".
Si la présence d’éléments perturbateurs semble avérée, l’entrée de la Séléka dans Boy-Rabe a contrarié un certain nombre de décideurs. En effet, lundi, une réunion de coordination avait rassemblé le général Jean-Félix Akaga (commandant de la Fomac), le chef d’État-major de l’armée centrafricaine, Jean Pierre Dollé-Waya, et des conseillers du président Djotodia. Selon plusieurs sources, un consensus avait été trouvé pour que la Séléka ne procède pas à cette opération. Une décision alors jugée conforme aux récentes déclarations du chef de l’État et à la teneur de son discours d’investiture.
Comment expliquer, alors, que le ratissage ait quand même eu lieu ? Pour un diplomate en poste à Bangui, la situation est révélatrice du manque d’autorité de Michel Djotodia sur l’ensemble de la Séléka. "Les seigneurs de guerre ont encore frappé !" conclut un autre observateur européen.
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Par Vincent Duhem
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