Le député congolais Muhingo Nzangi Butondo condamné à trois ans de prison ferme
Arrêté deux jours plus tôt, le député congolais Muhingo Nzangi Butondo a été condamné, le 13 août, pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Il a tenu des propos incitant à la violence, selon ses détracteurs qui l’accusent même d’avoir outragé le président Joseph Kabila.
En moins de 72 heures, il est passé du statut de député national à celui de condamné pour "atteinte à la sûreté de l’État". Muhingo Nzangi Butondo, élu de la ville de Goma, a écopé, le 13 août, d’une peine de trois ans de prison ferme pour des propos qu’il aurait tenus deux jours plus tôt sur l’antenne d’une radio de la capitale du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC, son fief électoral.
En séjour à Goma, Muhingo Nzangi Butondo participe, le 10 août, avec d’autres invités, à "Perspectives de la semaine", une émission de débat diffusée sur la radio Kivu one. Au menu des échanges : les actions que projettent d’organiser la société civile pour pousser la brigade d’intervention des Nations unies à déclencher rapidement la traque des rebelles du Mouvement du 23-mars (M23) et des autres groupes armés de la région.
>> Lire : RDC : la Monusco pressée de "traquer le M23", sinon de "quitter le Kivu"
"Dérapages" ?
"Au cours de l’émission, les invités ont parlé de tout et de rien, débordant le cadre même de l’émission", commente Annocie Musingi Kongolo, la coordonnatrice provinciale du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (Csac). "Ils ont abordé les questions liées à la sécurité et au fonctionnement de l’armée congolaise. Et le journaliste n’a pas été à mesure de les contenir. À travers notre service de monitoring, nous avons relevé des dérapages de la part des invités."
Las de voir les Casques bleus traîner les pieds dans le déclenchement des opérations contre les groupes armés au Nord-Kivu, le député Muhingo Nzangi Butondo aurait lancé aux habitants de Goma : "Prenez-vous en charge". Il les aurait également appelé à s’attaquer au mal par la "racine". Des propos qualifiés d’incitation à la violence et d’outrage au chef de l’État par ses détracteurs…
Dans la foulée de l’émission, il est arrêté par les services de renseignements et acheminé à Kinshasa. La Cour suprême de justice déclenche à son encontre une procédure de flagrance et le condamne, le 13 août, à trois ans de prison ferme pour atteinte à sécurité de l’État. Un "procès politique", s’exclame le Mouvement social pour le renouveau (MSR), formation politique dont l’élu incriminé est issu.
"Volonté de faire taire"
Condamner Muhingo Nzangi Butondo à trois années de prison, soit le temps qui lui reste pour le l’actuelle législature, est interprété par son avocat, Me Ruffi Lukoo, comme "une volonté de faire taire ce député du Nord-Kivu". Et pour marquer son indignation, le MSR, présidé par Pierre Lumbi, un des conseillers spéciaux du président Joseph Kabila, s’est décidé de "suspendre, jusqu’à nouvel ordre" sa participation dans la Majorité présidentielle, le regroupement politique au pouvoir.
À Goma, le Csac, de son côté, a suspendu pour une durée d’un mois la diffusion de l’émission "Perspectives de la semaine" et a mis son animateur à la disposition de l’Union nationale de la presse congolaise (Unpc).
Copie de la décision du Csac
(cliquez sur le document pour l’agrandir)
"À notre niveau, nous n’avons ciblé aucun individu, mais simplement le contenu de l’émission", se défend Annocie Musingi Kongolo du Csac du Nord-Kivu. "Parce que nous sommes dans une zone opérationnelle, il est recommandé aux médias [notamment] de s’abstenir de diffuser toute information susceptible d’aggraver la tension et de nuire aux intérêts vitaux de l’État", conclue-t-elle.
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Par Trésor Kibangula
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