Tunisie : enterrement de Mohamed Brahmi sous haute tension

Deux jours après avoir été assassiné à la sortie de son domicile, les funérailles de l’opposant Mohamed Brahmi ont rassemblé, ce samedi 27 juillet, une foule importante à Tunis, dans un climat très tendu.

Le cercueil de Mohamed Brahmi salué par les militaires le 27 juillet 2013 à Tunis. © AFP

Le cercueil de Mohamed Brahmi salué par les militaires le 27 juillet 2013 à Tunis. © AFP

Publié le 27 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

Sous les youyous des femmes et une importante escorte des forces de l’ordre, le catafalque de Mohamed Brahmi, militant nationaliste arabe, fondateur du parti « le courant populaire » et élu de l’Assemblée nationale constituante (ANC), assassiné le 25 juillet, a été accompagné au cimetière d’El Jellaz par des milliers de Tunisiens.

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Sous la chaleur étouffante de l’été tunisien et malgré le jeûne du ramadan, ils ont crié leur colère. Avec douleur et rage, ils réclament que cesse la violence et la division d’un peuple. Alors que Mohamed Brahmi repose désormais en terre, comme Chokri Belaïd, autre opposant tué six mois auparavant.

Rien ne laisse présager d’un apaisement. À 6 heures du matin, ce 27 juillet, un engin explosif a fait sauter une voiture de la garde nationale à La Goulette, cité balnéaire populaire, à 10 km de Tunis ; il s’agit du premier attentat de ce genre dans le pays. À Gafsa, un manifestant atteint par une bombe lacrymogène est décédé.

Les 14 balles qui ont abattu Mohamed Brahmi secouent le pays bien plus que celles qui ont touché Chokri Belaïd. L’amertume est forte ; malgré les constats d’échec politique de la troïka, celle-ci, malgré ses déclarations, n’a concrétisé aucune volonté politique d’apaisement.

"Le gouvernement doit reconnaître ses erreurs"

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L’échec du gouvernement en matière sécuritaire et de lutte contre le terrorisme est dénoncé par tous les partis d’opposition et la société civile. Ce troisième assassinat politique en 10 mois, est aussi un prétexte pour demander des comptes à une équipe dirigeante qui n’a tenu aucun de ses engagements.

Le mouvement islamiste d’Ennahda est désigné comme responsable de l’impasse socio-économique dans laquelle se trouve la Tunisie. « Le gouvernement doit reconnaître ses erreurs. Ennahda n’a aucun sens de l’État, c’est constitutif de son idéologie ; son objectif est de l’affaiblir et elle y est parvenue en noyautant l’administration et en bloquant tout cet appareil, rouage essentiel du pays », estime Adel Mestiri, militant du Front Populaire.

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Les récentes nominations de salafistes, membres d’Ansar Al Chariaa, condamnés pour actes de terrorisme et ayant bénéficié de l’amnistie générale, à des postes au sein des directions de l’enseignement et de l’agriculture, suscitent de nombreuses questions.

Pour certains, c’est la preuve des accointances d’Ennahda avec les extrémistes; pour d’autres, elles sont aussi un mépris des diplômés chômeurs qui ont conduits la révolution. La scène politique est sous haute tension ; l’ensemble de l’opposition mais également des personnalités religieuses comme le cheikh Ferid El Béji,demandent la dissolution de l’ANC et le limogeage du gouvernement.

Aujourd’hui on enterre Mohamed Brahmi mais c’est aussi l’enterrement d’Ennahda.

Cette situation pourrait conduire à un vide institutionnel que ne prévoient pas les textes régissant le pouvoir. Beaucoup font le parallèle avec la situation en Égypte mais rappellent que l’armée tunisienne n’a pas de réel poids politique.

Cependant l’opposition est déterminée à s’engouffrer dans la brèche ouverte par l’assassinat de Mohamed Brahmi, opportunité qui lui avait échappé en février dernier après le meurtre de Chokri Belaïd. Au cimetière, ses leaders ont appelé la foule réunie à se rendre immédiatement devant l’ANC. Du jamais vu, au moment de la prière de l’absent, le Jellaz a retenti de slogans anti-Ennahda, son président Rached Ghannouchi a été fustigé et les appels à la désobéissance civile ont été très nombreux. « Aujourd’hui on enterre Mohamed Brahmi mais c’est aussi l’enterrement d’Ennahda » assurent les militants du Front populaire.

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Par Frida Dahmani, à Tunis.

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