Théâtre : la crise ivoirienne en coupé-décalé

« Logobi 05 », « La Fin du Western », « La Jet Set » sont les trois pièces présentées du 9 au 14 juillet par une troupe germano-ivoirienne au festival d’Avignon 2013. Avec pour thèmes principaux : l’hédonisme du coupé-décalé et la folie politique des élites. Comme les deux revers d’une même médaille.

« La Fin du Western », de Gintersdorfer / Klassen, avec une troupe germano-ivoirienne. © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

« La Fin du Western », de Gintersdorfer / Klassen, avec une troupe germano-ivoirienne. © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

ProfilAuteur_SeverineKodjo

Publié le 15 juillet 2013 Lecture : 2 minutes.

Il y aura ceux qui retiendront surtout les tenues tape-à-l’œil de l’acteur Franck Edmond Yao, alias Gadoukou la Star dans La Jet Set, son cigare double voire triple « barreau de chaise », ou encore sa musculature et sa coiffure dignes de Mister T. L’ambianceur de coupé-décalé qu’il incarne marquera aussi par la sympathie qu’il inspire : il a l’humour facile, l’auto-dérision convaincante et le pas alerte. Yao, avec son compatriote Jean-Claude Dagbo (alias DJ Meko) et leur complice Hauke Heumann font entrer le spectateur de plein pied dans la vie des barons de la nuit abidjanaise.

Avec son art de l’apparat et sa mise en scène du « boucan » – qui n’auraient sans doute pas déplu à Barthes -, La Jet Set fait partie, avec Logobi 05 et La Fin du Western, des trois pièces présentées cette année à Avignon par les Allemands Monika Gintersdorfer et Kunt Klassen, avec une troupe germano-ivoirienne. Mais au-delà de la célébration d’une bonne humeur contagieuse et d’une certaine philosophie hédoniste à l’ivoirienne, la pièce qui suscite le plus d’intérêt est aussi celle qui aborde le thème le plus grave : la crise électorale de 2010.

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Théâtre documentaire

Intitulée La Fin du Western, elle met en scène ou évoque les principaux protagonistes de la dernière crise sanglante de l’histoire ivoirienne, de Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara en passant par l’actuel président de la commission Dialogue, vérité et réconciliation, Charles Konan Banny, le milicien Ibrahim Coulibaly, dit « IB », ou encore par l’ex-chef des jeunesses pro-Gbagbo, Charles Blé Goudé… Sans oublier celui qui n’hésita pas à investir en sa qualité de président du Conseil constitutionnel deux « gagnants » à la même élection : Paul Yao N’Dré.

Théâtre documentaire, s’appuyant sur les paroles réelles prononcées par les intéressés (on a parfois du mal à y croire), La Fin du western rejoue avec intelligence les épisodes qui ont ébranlé la Côte d’Ivoire. Les hommes politiques n’en sortent pas grandi, ayant donné d’eux-mêmes un spectacle affligeant, se bataillant pour le pouvoir comme des enfants dans une cour d’école. Une guerre des ego suffisamment tragi-comique pour que le théâtre s’en saisisse avec passion.

Brouillant les cartes, les acteurs scindent le public en deux, invitant les spectateurs à prendre parti puis à passer d’un camp à l’autre dans un va-et-vient incessant et chaotique. La pièce ne manquerait pas de provoquer de vifs débats si elle était un jour jouée en Côte d’Ivoire, tant la réconciliation nationale y est une affaire compliquée. Mais elle aiderait sans doute aussi la catharsis nécessaire à la reconstruction d’un nouveau vivre-ensemble.

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Par Séverine Kodjo-Grandvaux, envoyée spéciale à Avignon

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