Maroc : crise gouvernementale, quelle solution pour le PJD ?
Désormais lâchés par l’Istiqlal, les islamistes du PJD sont à la recherche d’un nouvel allié gouvernemental. Si la tenue d’élections anticipées n’est pas à écarter, le scénario d’un remaniement reste le plus probable.
L’Istiqlal, membre de la coalition gouvernementale hétéroclite dominée par les islamistes du parti Justice et développement (PJD), a fini par sauter le pas. Mardi 9 juillet, après deux mois de crise politique, cinq des six ministres du parti de la balance ont officiellement remis leur démission au Premier ministre Abdelilah Benkirane.
Après ce retrait de l’Istiqlal du gouvernement, deux scénarios se présentent désormais aux islamistes. Soit un remaniement fondé sur de nouvelles alliances politiques, chemin a priori le plus court pour dénouer la crise actuelle, soit des législatives anticipées, option plus risquée mais qui permettrait de sortir une nouvelle majorité claire des urnes.
Le secrétariat général du PJD, la plus haute instance du parti islamiste, se réunit samedi pour évoquer la suite des événements. « Le scénario le plus probable reste le remaniement, ce qui signifie une nouvelle coalition avec un voire deux nouveaux partis », analyse le politologue Mohamed Darif. Pour les islamistes, le lâchage de l’Istiqlal est en effet synonyme de la perte d’une soixantaine de sièges à la chambre des représentants.
Tractations avec le RNI
En coulisse, des tractations ont commencé avec le Rassemblement national des indépendants (RNI, 52 sièges). Cependant, cette éventuelle alliance RNI-PJD laisse songeur. Lors d’une interview accordée à Jeune Afrique, le président du parti, Salaheddine Mezouar, qualifiait ainsi la gestion du PJD de « catastrophique » tout en fustigeant « son incapacité à fixer des priorités et à prendre des décisions ».
« Le RNI est un parti qui a voté à l’origine contre le programme du gouvernement mené par les islamistes. Le fait qu’il y adhère maintenant serait mal perçu », renchérit Mohamed Darif. Selon lui, « le programme gouvernemental adopté en janvier 2012 au Parlement, doit dans ce cas être revoté par les deux chambres ». Au sein du PJD, certains responsables ne paraissent pas, pour leur part, foncièrement défavorables à l’hypothèse de nouvelles élections. « Elles permettraient de clarifier pleinement la situation actuelle, et c’est même le souhait de certains dirigeants de notre parti », a affirmé un député et dirigeant du parti islamiste, Abdelaziz Aftati.
Dans cette optique, le PJD peut encore compter sur une popularité émoussée mais encore indéniable. Au cours des derniers mois, il a ainsi remporté plusieurs législatives partielles et plus récemment, une enquête d’opinion a laissé apparaître qu’Abdelilah Benkirane disposait toujours de la confiance de 68,5 % des Marocains.
Démissionaires mais toujours là
Ces derniers mois, la rivalité entre Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement, et le patron de l’Istiqlal, le bouillonant maire de Fès Hamid Chabat, a souvent été étalée au grand jour. En annonçant le 11 mai son retrait à venir de la coalition, le parti de la balance avait ouvertement déterré la hâche de guerre, reprochant notamment aux islamistes leur manque de concertation et leur inefficacité face à une délicate situation économique et sociale.
Après des semaines de tergiversations, cinq des six ministres de l’Istiqlal, dont Nizar Baraka, ministre des Finances, ont finalement présenté leur démission mardi dernier. Seul le détenteur du portefeuille de l’Éducation, Mohamed El-Ouafa, n’a pas obéi à la direction du parti, ce qui a conduit à sa suspension du mouvement.
S’ils ont officiellement remis leur démission, les cinq ministres concernés resteront toutefois au gouvernement le temps que le Roi accepte leur demande et qu’un nouveau cabinet soit constitué. Jeudi, les ministres démissionaires ont donc participé au conseil de gouvernement, durant lequel le ministre de l’Énergie et des mines Fouad Douiri a même présenté sa stratégie nationale de développement du secteur minier…
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Benjamin Roger (avec agences)
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