Égypte : législatives prévues au plus tard début 2014, la mobilisation des pro-Morsi continue

Les autorités égyptiennes ont ordonné l’ouverture d’une enquête sur les circonstances du meurtre d’une cinquantaine de manifestants pro-Morsi, lundi 8 juillet au Caire. Le soir même, le président par intérim, Adly Mansour, a également fixé l’agenda de la transition qu’il mène, avec des législatives prévues au plus tard début 2014. Mais les négociations sur un nouveau gouvernement patinent.

Des pro-Morsi se recueillent devant le bâtiment de la Garde républicaine au Caire, le 8 juillet. © Mahmud Hams

Des pro-Morsi se recueillent devant le bâtiment de la Garde républicaine au Caire, le 8 juillet. © Mahmud Hams

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 9 juillet 2013 Lecture : 4 minutes.

Au soir du meurtre par balles d’une cinquantaine d’islamistes proches des Frères musulmans, tués à l’aube par l’armée au Caire, le président égyptien par intérim Adly Mansour a rendu publique une déclaration constitutionnelle établissant l’agenda politique de la transition qu’il mène après le renversement du président islamiste Mohamed Morsi, le 5 juillet.

Selon le journal gouvernemental Al-Ahram, cette déclaration prévoit la nomination d’un comité constitutionnel d’ici à moins de 15 jours. Puis celui-ci aura deux mois pour présenter ses amendements au président intérimaire – qui a cependant fait savoir que l’article 2 de la Constitution faisant de la charia la source de la législation ne serait pas revu. Ce dernier devra ensuite soumettre ces amendements à un référendum populaire sous un mois. À partir de là, l’organisation des législatives sera lancée sous deux mois, avant qu’une date soit ensuite annoncée pour la tenue d’une élection présidentielle.

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Le constitutionnaliste Zaid Al-Ali est confiant dans le respect de l’agenda : « La façon dont la déclaration est formulée laisse penser que tout le processus électoral sera mis en place dans les délais annoncés », assure-t-il. Toutefois, la déclaration composée de 33 articles reste « assez vague pour permettre à M. Mansour d’interpréter la tenue d’élections comme le lancement de l’enregistrement des candidats », ce qui allongerait alors la durée du processus.

Vive émotion

La déclaration, également diffusée par l’agence officielle Mena, précise que le président de la République détient le pouvoir exécutif, et rappelle l’indépendance de la justice. Accusée d’ouvrir la voie à l’islamisation de la législation, la Constitution adoptée par référendum en décembre a été suspendue par les militaires. Sa contestation avait été l’un des ressorts des manifestations de l’opposition qui s’est mobilisée en masse contre le pouvoir des Frères musulmans, avant que l’armée ne décide de renverser manu milatari Mohamed Morsi. La chambre haute, qui assurait le travail législatif et était dominée par les islamistes, a quant à elle été dissoute. 

La déclaration constitutionnelle de Mansour relance la transition, alors que l’émotion reste très vite dans le pays au lendemain de la tuerie qui a eu lieu devant le quartier général de la Garde républicaine, au Caire, dont les militaires et les Frères musulmans – qui ont appelé au « soulèvement » contre l’armée et à de nouvelles manifestations de masse, le 9 juillet – se rejettent la responsabilité. Selon les services d’urgence, ce sont 51 personnes qui ont été tuées et 435 blessées par ces tirs survenus tôt lundi, vers 4 heures du matin.

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Les circonstances de la tuerie, qui doivent faire l’objet d’une enquête, ne sont pas claires. « Nous étions en train de prier à l’aube quand les soldats de la Garde républicaine ont ouvert le feu sur nous. Ensuite cela a été le chaos et les gens tombaient dans des mares de sang », raconte une manifestante, Shaïma Younes. Mais selon une autre protestataire, Anas Aymas, venue du gouvernorat de Gharbeya dans le delta du Nil, des « hommes de main » en civil sont également en cause.

« Ils ont commencé à tirer sur nous lors de la prière. Ils sont venus par notre droite en se cachant derrière des véhicules de police. Nous avons appelé l’armée à nous protéger, mais ils nous ont aussi tiré dessus », affirme-t-elle. D’autres témoins racontent encore que l’armée a tiré en l’air pour disperser les manifestants, et que ce sont les hommes de main en civil qui ont ouvert le feu sur la foule.

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"Tirs à la chevrotine"

« Les hommes de main sont venus et nous ont tiré dessus à la chevrotine, et l’armée a de son côté tiré des grenades lacrymogènes », raconte ainsi Hussein. Un habitant du quartier, Baddredine Adel, assure quant à lui que « les partisans des Frères musulmans ont lancé des cocktails Molotov sur l’armée », provoquant un début d’incendie dans un immeuble voisin.

De son côté, l’armée a expliqué que des « terroristes armés » avaient attaqué le siège de la Garde républicaine, selon un communiqué publié par le journal gouvernemental al-Ahram. « Nous ne permettrons aucune menace contre la sécurité nationale égyptienne quelles que soient les circonstances », a déclaré par la suite le porte-parole de l’armée, le colonel Ahmed Ali.

Celui-ci a affirmé qu’« une bande armée a attaqué » les soldats vers 4h du matin (2h GMT). Selon sa version des faits, l’armée a répondu « par des tirs en l’air et des jets de grenades lacrymogènes » et « est intervenue après des violences venues de l’autre partie ». Il a en outre indiqué qu’un officier de l’armée avait été tué dans ces heurts, et que 42 militaires avaient été blessés.

Ces violences compliquent les négociations sur la formation d’un nouveau gouvernement. Le parti salafiste Al-Nour s’est retiré des discussions après le drame. Léconomiste de centre-gauche, Ziad Bahaa Eldin, pressenti pour devenir Premier ministre a finalement refusé le poste. Reste le prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradei, un temps pressenti pour prendre la tête de ce gouvernement, mais qui devait aux dernières nouvelles devenir vice-président.

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