Algérie – Maroc : nouvelles joutes verbales

L’Algérie et le Maroc, les deux frères rivaux du Maghreb, se sont récemment livrés à une nouvelle joute diplomatique. Des tensions verbales qui illustrent une fois de plus leurs difficultés à surmonter leurs différends, en particulier autour de la question du Sahara occidental.

Daho Ould Kablia (g) et Mohand Laenser (d) à Rabat le 21 avril 2013. © AFP

Daho Ould Kablia (g) et Mohand Laenser (d) à Rabat le 21 avril 2013. © AFP

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Publié le 5 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

La détente totale des relations entre Alger et Rabat ne semble pas pour demain. Après plusieurs mois d’accalmie, l’ancienne rivalité entre les deux poids-lourds maghrébins a été réactivée ces dernières semaines par des déclarations houleuses des uns et des autres et les incertitudes politiques prévalant dans les deux pays : maladie du président algérien Abdelaziz Bouteflika et crise gouvernementale au Maroc.

Dernière saillie en date : le 2 juillet, le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères, Amar Belani a dénoncé « une escalade préméditée » du Maroc dans le cadre d’une campagne médiatique anti-algérienne. Enfait, le ton est brusquement remonté d’un cran depuis fin juin autour du débat sur la réouverture des 1 600 km de frontière commune aux deux pays, fermée depuis 1994 à la suite d’un attentat meurtrier à Marrakech, dont le Maroc avait rendu responsable les services de renseignement algériens.

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"Culture politique d’une ère révolue"

Le 18 juin, l’Algérie avait posé trois conditions à la réouverture de la frontière avec le Maroc. Amar Belaniréclamait ainsi « l’arrêt de la campagne médiatique » contre Alger, « une coopération réelle, concrète et efficiente contre l’agression que subit notre pays en matière d’infiltration massive de drogues » et que les Marocains admettent que l’Algérie « a une position constante sur la question du Sahara occidental », considérée « comme une question de décolonisation, ne devant se régler qu’à l’ONU ».

Rabat a immédiatement vu rouge. Il s’agit d’une « pratique d’un autre âge » qui « dénote une culture politique d’une ère révolue, en total déphasage avec les exigences et les perspectives du XXIe siècle », avait répliqué le ministère marocain des Affaires étrangères, dans un communiqué publié le 27 juin.

Sahara occidental

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Cinquante ans après « la guerre des sables », la principale pomme de discorde entre les deux frères ennemis reste indiscutablement le Sahara occidental, une ex-colonie espagnole contrôlée par le Maroc. Si l’Algérie affirme ne pas être partie prenante dans ce conflit, elle soutient de fait les indépendantistes sahraouis du Front Polisario.

À ce titre, le précédent échange acerbe entre les deux pays, à l’automne dernier, avait porté sur un discours du roi Mohammed VI imputant l’absence d’avancées à un manque de « volonté sincère » de la part des « autres parties ». Le Maroc a « torpillé le processus de normalisation des relations entre nos deux pays », avait alors répliqué un haut responsable algérien.

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Une détente notable avait par la suite prévalu. Lors d’un déplacement à Alger, le ministre marocain de l’Intérieur Mohand Laenser avait même évoqué la volonté commune d’un renforcement de la coopération.

"Accès de nationalisme"

Selon Khadija Mohsen-Finan, spécialiste du Maghreb, le nouveau durcissement est étroitement lié à la situation politique dans les deux pays. Selon elle, « on peut constater des accès de nationalisme », en même temps qu’un « haut niveau d’agitation dans les arènes politiques » avec la « tentation de faire dans la surenchère ».

Au Maroc, en mai, le patron du parti de l’indépendance (Istiqlal), Hamid Chabat, avait appelé à « récupérer » Tindouf, zone du sud-ouest de l’Algérie où se trouvent les camps de réfugiés sahraouis. Du côté d’Alger, les ennuis de santé du président Bouteflika, au pouvoir depuis 13 ans, ont entraîné des spéculations sur l’évolution de la relation avec le Maroc.

En attendant, l’impasse actuelle entrave fortement la mise en oeuvre de l’Union du Maghreb arabe (UMA). D’après l’économiste marocain Fouad Abdelmoumni, le coût de la « non-intégration » dépasse les 2% de croissance du PIB chaque année. « C’est énorme (…) et les deux pays ne peuvent s’offrir le luxe de rester dans cette logique », se désole-t-il.

Malgré une situation économique peu florissante, les budgets militaires des deux pays ont augmenté ces dernières années, en particulier en Algérie, où il a atteint 9,3 milliards de dollars en 2012 (contre 3,4 milliards de dollars pour le Maroc).

(Avec AFP)

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