Une proposition de négociation susceptible de déstabiliser les Grands Lacs

Roger Munyampenda a vécu et travaillé en tant qu’ingénieur dans plusieurs pays africains dont la RDC et la république sud-africaine dans les Télécommunications. Au Rwanda, il a monté et dirigée la société interbancaire de paiement électronique. Ensuite, il a exercé la fonction de directeur exécutif  du secteur privé PSF.

Publié le 4 juillet 2013 Lecture : 4 minutes.

La proposition du dialogue « inter rwandais » fait encore des vagues. Suscitant indignation et méfiance au Rwanda mais accueillie avec triomphalisme par le reste des forces génocidaires opérant principalement en RDC sous le label des Forces démocratiques de la libération du Rwanda (FDLR).

La recette proposée par le Président Kikwete est simpliste. Que Museveni négocie avec ses rebelles de l’ADF (Forces démocratique alliées, armée nationale pour la libération de l’Ouganda, NDLR) et Kagame avec les FDLR et la paix reviendra au Congo !

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Examinons les conséquences de cette prescription hâtive accusée d’être politiquement amorale.

Comment ces parias peuvent-ils recevoir un soutien moral de ce niveau et pourquoi maintenant, après 19 ans d’errements funestes en RDC ?

Qui devrait et quoi serait négocié lorsque « les FDLR menacent le Rwanda, mais tuent et violent au Congo » ?

Au vu des meurtres et viols horribles commis par ces FDLR ainsi que les nettoyages ethniques opérés sur le sol congolais depuis 1994 ? Crimes bien documentés et condamnés par tous, justifiant par ailleurs les rebellions et milices ainsi que l’existence même de la Monusco.

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En demandant au Rwanda de négocier avec les forces génocidaires, Kikwete demande-t-il d’effacer le génocide contre les Tutsi comme un simple accident historique, comme l’avait alors justifié feu François Mitterrand en mai 1994 ? 

Les effets pervers du génocide en perte et profit ? Comme si le million des victimes violées, machettées ou brulées vives se seraient plutôt auto-suicidées ! 

Kikwete demande-t-il d’effacer le génocide contre les Tutsi comme un simple accident historique, comme l’avait alors justifié feu François Mitterrand en mai 1994 ?

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Et récompenser en prime ces criminels d’une sorte de respectabilité par les fameuses négociations? Eux qui n’ont pas encore renoncé à leur projet d’annihilation de la « minorité ethnique Tutsi » ?

Sujet très émotionnel au Rwanda, perçu comme une tentative de banalisation ou de négation du génocide.
Bien plus subtil, les FDLR qui n’avaient jusque-là fait que menacer le Rwanda, viennent d’avoir la caution morale pour essayer de tenir quelques mètres carrés du territoire rwandais et ainsi justifier les hypothétiques négociations. 
Ce qui déclencherait une riposte poursuite rwandaise en RDC dans une zone où se mêlent pêle-mêle des Maï-Maï, membres du Mouvement du 23-Mars (M23), FARDC (armée régulière congolaise), FDLR, Monusco (force de paix onusienne déployée en RDC, NDLR) et la Brigade d’intervention des Nations unies dont des militaires tanzaniens, tous prêts à en découdre.

À côté des milliers de déplacés internes et refugiés baignant dans un océan de misère et d’amertume et aux besoins humanitaires colossaux !

Cocktail détonnant et explosif assumé par un Président considéré jusque-là comme respectable et pondéré. 

Kikwete rêverait-il d’installer des « amis » chez ses deux voisins dans un remake de négociations d’Arusha qui ont vu le CNND-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie, NDLR) monter au pouvoir au Burundi ? Quand ces mêmes voisins permirent cette paix en muselant les extrémistes locaux ?
Est-ce alors un geste de solidarité ou une tentative astucieuse de mise sous tutelle de Joseph Kabila en difficulté ?
La tentation est forte avec la montée en puissance de la Tanzanie. Confirmée par les très récentes visites du Président Chinois Xi Jinping et du Président Obama. Attirés sans doute par le potentiel et la position stratégique de ce beau pays. Et venus sans doute faire avancer les intérêts de leurs pays respectifs ; et donc prêts à s’affronter sur le territoire africain par forces locales interposées en cas de besoin.

Une tension régionale serait un cadeau inespéré dans ce monde en pleine confrontation commerciale et stratégique.
Kikwete aurait été mieux inspiré de proposer le seul acte moralement et politiquement envisageable: la reddition immédiate et sans condition de ces FDLR enfermés dans une logique destructrice et revancharde.

D’ailleurs l’hôte récent de Kikwete, le Président Obama, a éludé la question en affirmant que la réforme du secteur de la sécurité et l’obligation de bonne gouvernance en RDC sont les aspects fondamentaux menant vers la stabilité régionale.

Le défi immédiat à relever est celui de la question des FDLR qui sont apparemment intégrés dans le dispositif sécuritaire des FARDC, comme rapporté dans le dernier rapport des experts des Nations unies. En plus des rumeurs persistantes sur les réseaux de recruteurs établis en Tanzanie par les rebelles de l’ADF et du FDLR. Le chef adjoint des FDLR, Bigaruka, y aurait été arrêté récemment, information étouffée pour des raisons diplomatiques.

Y a-t-il alors des signes plus sérieux de violation du dernier accord-cadre signé en Février 2013 à Addis-Ababa ? Après que les acteurs régionaux se soient engagés à faire baisser la tension aux frontières respectives vers une intégration par des initiatives économiques communes ? 

Remettre en selle ces fauteurs de trouble patentés, serait cautionner une entreprise pyromane aux conséquences funestes incalculables.

Remettre en selle ces fauteurs de trouble patentés, serait cautionner une entreprise pyromane aux conséquences funestes incalculables.

Dont une hypothèque sur la communauté de l’Afrique de l’est, mise au-devant de la scène avec la dernière initiative phare d’Obama, « Trade Africa » ; pour ce bloc porteur d’espoir qui devrait voir son commerce interne doublé et ses exportations vers les USA augmentées substantiellement.

On ne peut vouloir une chose et son contraire à la fois !

La proposition formulée ravive la tension régionale et risque d’imploser la Conférence internationale de la région des grands Lacs (CIRGL) qui est garante de l’accord ci-dessus ; susceptible de recomposer l’espace régional dans la méfiance et la douleur. Et de déstabiliser les Grands Lacs au moment où tous les espoirs sont permis, sa jeunesse optimiste et les partenaires lointains prêts à appuyer son décollage.
 

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