Adel Fekih : « Hollande a compris que c’était important de venir maintenant » en Tunisie

Après le Maroc et l’Algérie, le président français, François Hollande, effectue les 4 et 5 juillet sa première visite officielle en Tunisie. L’ambassadeur de ce pays en France, Adel Fekih, expose les enjeux de ce déplacement.

François Hollande et Moncef Marzouki, le 17 juillet 2012 à l’Élysée. © AFP

François Hollande et Moncef Marzouki, le 17 juillet 2012 à l’Élysée. © AFP

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 2 juillet 2013 Lecture : 5 minutes.

Emploi du temps chargé pour François Hollande qui effectuera, les 4 et 5 juillet, sa première visite officielle en Tunisie. Accompagné d’une dizaine de ministres et d’une quarantaine de chefs d’entreprise, il séjournera avec sa compagne Valérie Trierweiler à l’hôtel Golden Tulip de Gammarth. Devant l’Assemblée constituante, le chef de l’État français prononcera un discours à l’adresse de la nation tunisienne, puis il aura des entretiens avec le président Moncef Marzouki, le Premier ministre Ali Larayedh et le président de l’Assemblée, Mustapha Ben Jaafar.

On s’attend à ce que des accords soient signés dans de nombreux domaines : réforme administrative, francophonie, conversion de la dette, énergie renouvelable, etc. Hollande rencontrera également des représentants de la communauté française, de la société civile, de l’opposition et du patronat tunisien. L’ambassadeur de Tunisie en France, M. Adel Fekih, expose à Jeune Afrique les enjeux de cet important évènement bilatéral.

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Jeune Afrique : Un déplacement annoncé de longue date et ajourné à plusieurs reprises : pourquoi ces hésitations ?

Adel Fekih (ci-contre) : François Hollande n’a jamais eu ni hésitation ni appréhension, il était d’ailleurs venu en mai 2011, alors candidat à la présidentielle. Élu, il m’a répété à chaque fois que je l’ai vu qu’il allait se rendre en Tunisie. Au début nous prévoyions sa visite pour décembre 2012, dans la foulée de sa visite au Maghreb mais, hélas, le contexte en Tunisie ne s’y prêtait pas. Nous vivons une situation exceptionnelle et nous ne sommes pas maîtres de l’ambiance locale, il faut se l’avouer.

On a parlé de mars, puis de mai, mais cette dernière date a dû aussi être modifiée pour des questions d’agenda national du président Hollande, c’est donc le ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius qui s’y est rendu pour préparer la visite présidentielle. Le point positif de tels délais est que nous avons pu bien préparer et mieux travailler le contenu de ce voyage : plus de matière et d’échange, de nouveaux aspects, plus de conventions vont être signées. La décision de venir en Tunisie est hautement politique et symbolique : il s’agit du pays arabe où se sont produits les premiers mouvements révolutionnaires en 2011, et la France a montré un soutien constant au processus de transition qui s’est effectué depuis.

Mais tout de même, des réticences se sont exprimées à Paris, alors que la Constitution n’est pas encore promulguée…

La décision de venir en Tunisie est hautement politique et symbolique : il s’agit du pays arabe où se sont produits les premiers mouvements révolutionnaires en 2011.

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Je le répète, je n’ai pas senti d’appréhension particulière au niveau politique. En termes de timing, bien sûr, la question est légitime parce que le président vient alors que nous sommes toujours en transition, en phase de construction d’un modèle démocratique. Fallait-il venir après l’avènement d’un pouvoir politique qui s’inscrive dans la durée ? La question s’est posée dans l’entourage présidentiel. Mais le président Hollande lui-même n’a jamais hésité, même si certains lui ont conseillé, amicalement et d’un point de vue politique, de venir après l’adoption de la Constitution.

En tant qu’homme politique ayant le sens de l’Histoire, il a compris que c’était important de venir maintenant parce que c’est aujourd’hui qu’il faut montrer son soutien aux Tunisiens, dans les temps difficiles. Difficiles dans le sens où il nous faut trouver un consensus pour construire un projet. Et les Tunisiens peuvent parfois douter d’eux-mêmes et du projet si ambitieux dans lequel ils se sont embarqués. C’est le moment de leur dire qu’ils ne sont pas seuls.

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Le président Hollande pourrait-il s’exposer à l’accueil populaire hostile qu’avait reçu l’émir du Qatar lors de sa venue en janvier 2012 ?

Les Tunisiens ont un regard admiratif et particulier sur la France, pour son histoire et pour sa proximité, et tellement de familles tunisiennes ont des proches installés en France ou qui l’ont été : il s’agit d’une relation très particulière. Après cela, c’est sûr qu’il y a des politiciens, des mouvements qui souhaiteraient faire de la France un bouc émissaire pour une raison ou une autre, mais cela est marginal. Je pense avec confiance que le président Hollande sera accueilli avec beaucoup de sympathie. Il a lui-même beaucoup d’empathie et une grande proximité avec les gens, on l’a vu au Maroc, en Algérie, il n’y a pas de raison qu’en Tunisie cela se passe différemment !

Visite au peuple ou visite à l’État ?

C’est un tout ! Regardez la Tunisie d’aujourd’hui : il y a un pouvoir politique transitionnel qui est en place, qui est aussi multiple ; il y a une Assemblée constituante composée d’élus du peuple, il y a l’opposition, la société civile et le peuple lui-même. Ce voyage s’adressera à toutes les composantes de la société et c’est ce qui importe le plus, pour démontrer le soutien français à la transition démocratique. C’est justement la force de la date de cette visite qui intervient alors que la situation se caractérise par une recherche de consensus entre diverses forces politiques.

Il y a plusieurs niveaux d’approches à cette visite : une approche d’État à État qui permettra de renouveler le cadre de notre coopération et de pérenniser la relation bilatérale, et il y a l’approche beaucoup plus politique, qui sera l’adresse au peuple à travers ses institutions. Lorsqu’il va prononcer son discours à l’Assemblée constituante, le président français s’adressera aux élus du peuple mais au-delà, à la nation toute entière.

Commence-t-on à avoir quelques certitudes sur la date de promulgation de la Constitution ?

Nous allons très bientôt nous engager dans la procédure de vote article par article. Je ne doute pas que cet été sera celui de l’adoption de la Constitution. Elle devrait être promulguée en septembre. Quand plus précisément ? Juillet ? Août ? L’essentiel pour moi, c’est qu’elle fasse un large consensus, étape indispensable pour ne pas tomber dans des cycles qui ne soient pas maîtrisables, seconde lecture ou référendum. Mais lorsqu’on observe le processus d’écriture, l’on voit bien que c’est le produit d’un dialogue et d’un consensus. Les points les plus difficiles ont été résolus et nous en sommes aujourd’hui au stade de la finition. Le consensus final, selon moi, ne sera pas remis en cause.

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Propos recueillis par Laurent de Saint Périer

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