Constitution tunisienne : les opposants traités de « nains », le premier débat parlementaire dérape

Cette journée, qui devait être symbolique dans l’après-révolution tunisienne, a tourné court. Lundi 1er juillet, le premier débat parlementaire sur le projet de Constitution, attendu depuis des mois, a été interrompu après moins d’une demi-heure, obligeant à une longue suspension de séance. Le processus d’adoption de la nouvelle Constitution débute bien mal.

L’Assemblée nationale constituante doit procéder à l’examen du projet de Constitution. © AFP

L’Assemblée nationale constituante doit procéder à l’examen du projet de Constitution. © AFP

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Publié le 2 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

Le débat de l’Assemblée nationale constituante (ANC) de Tunisie, censé marquer le début du processus d’adoption de la future Constitution, a tourné à la foire d’empoigne, lundi 1er juillet. Après seulement une demi-heure, la présentation du rapporteur du texte, l’islamiste Habib Kheder, a en effet été interrompue par des députés de l’opposition.

Ces derniers l’accusaient d’avoir introduit dans le texte des articles controversés de manière discrétionnaire. Ces « dispositions transitoires », selon l’opposition laïque, permettraient aux lois adoptées sous l’égide du parti islamiste Ennahdha, au pouvoir, d’échapper pendant trois ans au contrôle de constitutionnalité. Elles prolongeraient aussi de manière indéfinie les compétences législatives de l’ANC et ne fixeraient pas de calendrier pour remplacer cette assemblée. Des députés de l’opposition ont dénoncé dans un communiqué « le processus de fraude qui a atteint les travaux des commissions constitutives ».

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Des "nains immatures"

La réponse ne s’est pas fait attendre. La vice-présidente de l’ANC, l’islamiste Meherzia Laabidi a réagi en qualifiant ces opposants de « nains » et en leur reprochant leur « immaturité ». Ce qui n’a pas manqué de déclencher la colère desdits élus. « Nous demandons à la vice-présidente de l’ANC qui nous a traités de nains de nous présenter ses excuses (…) et nous demandons également qu’elle présente ses excuses aux nains parce qu’il s’agit aussi de citoyens », a ainsi lancé l’élu Mongi Rahoui.

Interrompu dans la matinée, le rapporteur du texte n’a pu reprendre la parole que vers 18H, sans que l’ambiance ne se soit réellement apaisée. Avec ses deux adjoints, il a lu, dans le brouhaha, le rapport résumant leurs travaux depuis bientôt deux ans, avant de voir la séance une nouvelle fois suspendue jusqu’au lendemain, mardi 2 juillet.

Indispensable consensus

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« Ce qui s’est passé touche à la crédibilité et à la légitimité de l’ANC », a regretté le président de l’ANC, Mustapha Ben Jaafar. Cet épisode ne contribuera en effet pas à améliorer l’image de l’ANC, très critiquée en raison de ses dysfonctionnements et de l’absentéisme de ses élus. Seuls 150 d’entre, eux, sur 217, étaient ainsi présents, en fin d’après-midi, lundi 1er juillet.

Le président de l’Assemblée a cependant annoncé la création d’une nouvelle commission qui aura la lourde tâche de trouver un consensus entre les différentes forces politiques. La Constitution doit en effet obtenir l’aval des deux-tiers des élus, faute de quoi elle sera soumise à un référendum. Or, le consensus semble indispensable, les islamistes au pouvoir et leurs alliés laïques ne disposant que d’une courte majorité dans l’hémicycle.

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Inquiétude sur les élections

Outre la querelle qui a opposé les députés, lundi 1er juillet, le texte est également critiqué par une partie de la société civile et de l’opposition qui considèrent que celui-ci ne garantit pas suffisamment les libertés, l’indépendance de la justice et ne mentionne pas assez clairement l’égalité des sexes.

>> Lire aussi : Justice tunisienne : mais qu’est ce qui fait pencher la balance ?

Néanmoins, un consensus assez large semble avoir été trouvé sur un des points les plus importants de la future Constitution, la répartition du pouvoir exécutif entre le chef du gouvernement et le président de la République. Le parti Ennahdha, qui domine le gouvernement, a ainsi accepté que le chef de l’État garde des prérogatives importantes en matière de défense et de diplomatie. Enfin, les islamistes ont également renoncé à faire inscrire l’islam comme source de droit.

Le débat parlementaire sur le projet de Constitution est l’une des étapes essentielles du processus devant mener à son adoption mais également aux élections promises par le Premier ministre Ali Larayedh avant la fin de l’année. Au vu de cette première journée chaotique, beaucoup estiment que le calendrier sera difficile à tenir.

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