Homosexualité : à Dakar, Obama tente le panier mais se fait contrer
La question de la dépénalisation de l’homosexualité s’est invitée à l’improviste lors de la conférence de presse commune, à Dakar, des présidents Macky Sall et Barack Obama, le 27 juin. Dans un pays où la controverse à ce sujet rebondit depuis plusieurs mois, le président sénégalais a réaffirmé son choix pour le statuquo, renvoyant, au passage, son homologue à la gestion de ses propres questions de société.
Les Sénégalais l’attendaient au tournant, non sans une certaine appréhension. Barack Obama avait-il l’intention, lors de sa visite au Sénégal, du 26 au 28 juin, de faire pression sur Macky Sall pour l’inciter à dépénaliser l’homosexualité ? Le bruit courrait depuis l’invitation du président sénégalais à la Maison Blanche, fin mars. Quelques jours plus tard, l’ancien ministre sénégalais Amadou Tidiane Wone avait publié une lettre ouverte à Macky Sall, lui demandant de s’expliquer sur une rumeur relative à un projet de loi visant à dépénaliser l’homosexualité – dont personne, au Sénégal, n’est pourtant parvenu à remonter le cours pour en localiser la source. Évoquant « des rumeurs persistantes [faisant] état de l’imminence de l’adoption par le Sénégal de lois consacrant les droits des homosexuels », l’auteur y ajoutait ses propres spéculations. Il se basait pour cela sur un article publié en décembre 2012 par Samantha Power, alors conseillère spéciale du président Obama, dans lequel celle-ci affirmait la place centrale, dans l’agenda américain en matière de droits humains, des droits des LGBT à travers le monde. Elle y indiquait en outre que l’un des critères d’appréciation en vue de l’éligibilité d’un pays au programme du Millenium challenge corporation reposerait sur la réforme de sa législation lorsque celle-ci réprime l’homosexualité. Sur cette base, Amadou Tidiane Wane sollicitait une clarification présidentielle.
Tabou
Au Sénégal, où la loi punit de 1 à 5 ans d’emprisonnement « tout acte considéré comme contre-nature, notamment un acte sexuel entre personnes de même sexe », la pénalisation de l’homosexualité relève davantage d’un garde-fou symbolique, dans une société qui y voit un profond tabou culturel et religieux, que d’un arsenal juridique conduisant à une répression active. Mais depuis son élection, Macky Sall a fait l’objet à plusieurs reprises d’allégations insidieuses tendant à le faire passer pour un émissaire occulte de la cause homosexuelle. Cela l’a conduit, en avril, à écarter catégoriquement, en Conseil des ministres, l’éventualité d’une dépénalisation sous son magistère.
En constatant que la date de l’arrivée du président américain à Dakar coïncidait avec le jour où devait être rendu l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis sur la loi fédérale de « défense du mariage » (Défense of Marriage Act/DOMA), des voix s’étaient élevées au Sénégal pour s’inquiéter de cette coïncidence qui leur laissait craindre une volonté de la Maison Blanche de venir prêcher en faveur d’une réforme de la législation sénégalaise sur la question. Dès l’entame de la conférence de presse conjointe des deux présidents, une journaliste américaine allait mettre les pieds dans le plat en demandant à Barack Obama de réagir à la décision de la Cour suprême invalidant partiellement le DOMA et de se positionner sur les législations réprimant l’homosexualité dans un certain nombre de pays d’Afrique. « Je ne crois pas à la discrimination, quelle qu’elle soit, c’est mon point de vue personnel, a répliqué Barack Obama. Je viens d’un pays où les gens n’ont pas été traités de manière égale, et il a fallu le combat pour les droits civiques pour atteindre l’égalité.»
Retour à l’envoyeur
Placé au pied du mur, Macky Sall ne pouvait rester sans réagir, sachant à quel point l’opinion publique sénégalaise est chatouilleuse sur cette question. « Fondamentalement, c’est une question de société, a-t-il déclaré. Il ne saurait y avoir un modèle fixe dans tous les pays. Les cultures sont différentes, tout comme les religions et les traditions. » Une position qui, au-delà du thème évoqué, traduisait en creux la susceptibilité d’une Afrique réticente à se laisser dicter par l’extérieur son positionnement sur des sujets de société de ce type. « La dépénalisation de l’homosexualité, c’est comme la peine de mort, les avis sont partagés là-dessus, devait ajouter Macky Sall. Nous avons aboli la peine de mort depuis des années au Sénégal, mais d’autres pays non. » Un retour à l’envoyeur qui a réjoui la presse et l’opinion sénégalaise.
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