« Glenstrata » ou la méthode Glasenberg
Avec le groupe né de la fusion entre Glencore et Xstrata, le patron sud-africain Ivan Glasenberg veut maîtriser toute la filière des matières premières, de la production au négoce. Y compris en Afrique.
Réputé pour sa détermination – ou sa brutalité, selon ses détracteurs -, Ivan Glasenberg a fait place nette autour de lui pour marier sa compagnie de négoce de matières premières Glencore au minier Xstrata. Et prendre les rênes du nouvel attelage suisse, un mastodonte au chiffre d’affaires de 252,17 milliards de dollars (189 milliards d’euros) en 2012-2013. Coté à Londres et à Hong Kong, bien implanté sur le continent, ce géant sera une « machine à cash », a promis le directeur général de 56 ans à ses actionnaires. Le 10 septembre, il leur présentera sa nouvelle stratégie.
Le mastodonte doit ses positions enviables à ses gisements de Zambie et de RD Congo.
Pourtant, les premiers résultats semestriels présentent des pertes nettes de 8,9 milliards de dollars, contre un bénéfice net de 2,3 milliards de dollars il y a un an. En cause, la dépréciation d’actifs hérités de Xstrata – pour 7,6 milliards de dollars – et une baisse moyenne de 15 % des cours des métaux.
Synergies
Malgré ces chiffres, le Sud-Africain reste la coqueluche des financiers et des investisseurs, qui croient, pour le moment, en sa stratégie d’intégration verticale. Grâce à cette alliance hors normes, son portefeuille minier est aussi diversifié que celui des géants Rio Tinto et BHP Billiton. Mais il est allié à l’efficacité de traders reconnus sur tous les marchés, notamment en Chine, principal acheteur de minerais du globe.
Glencore-Xstrata, cauchemar des organismes antimonopoles, contrôle 75 % du zinc, 50 % du cuivre, 40 % du cobalt et 38 % de l’alumine négociés sur la planète. Le groupe est aussi le premier producteur mondial de ferrochrome (alliage utilisé dans la fabrication de l’inox) et de charbon thermique. Des positions enviables que « Glenstrata » doit notamment à ses cinq mines de cuivre en Zambie et RD Congo, et aux dix-huit sites de production de ferrochrome et cinq gisements de charbon qu’il possède autour de Johannesburg. Sans oublier son exploitation de zinc burkinabè à Perkoa, lancée en janvier.
Le Sud-Africain dispose ainsi d’une maîtrise inégalée de la filière des matières premières minières et pétrolières, des gisements jusqu’aux marchés. « D’ailleurs, les résultats opérationnels du premier semestre [2,1 milliards de dollars] sont bons, estime un analyste basé à Londres. Et nous attendons 1,5 milliard de dollars d’économies par an grâce à la suppression des intermédiaires entre le minier et le vendeur. »
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Si Ivan Glasenberg bénéficie encore du soutien des marchés, c’est aussi en raison de ses choix en matière de management. Il a ainsi débarqué sans ménagement John Bond, l’ancien patron de Xstrata, et toute son équipe pour placer ses propres hommes. Une décision que la City apprécie. Par tradition, Xstrata laissait beaucoup d’autonomie à ses filiales, tandis que Glencore préférait une direction centralisatrice, capable de trancher vite – et sans états d’âme – pour dégager des bénéfices.
À la loupe
Reste que Glasenberg est attendu au tournant et demeure exposé. Il devra réussir à se désengager – sans faire de vagues – des projets miniers les moins attractifs. Deux sites pour l’exploitation du fer en Mauritanie attendent ainsi d’être fixés sur leur avenir. Il doit aussi redorer le blason de son groupe en matière sociale : en Zambie, les techniques d’évasion fiscale de Glencore et les conditions floues d’obtention des gisements du Katanga (RD Congo) avaient été dénoncées par les ONG Sherpa et Global Witness. Son goût du secret et son ancienne proximité avec Marc Rich – condamné aux États-Unis pour fraude fiscale et violation d’embargo – sont connus. L’attitude d’Ivan Glasenberg sera donc scrutée à la loupe, y compris par les analystes financiers, en raison des nouvelles réglementations boursières, plus exigeantes en matière de transparence économique.
Glasenberg – dont la confortable rémunération est dénoncée en Suisse – n’est pas au bout de ses peines. Il a déjà fallu plus de un an – de février 2012 à mai 2013 – à ce deal maker (« faiseur d’affaires ») réputé pour rallier les actionnaires, puis des régulateurs sud-africains et chinois, à son projet d’union entre Glencore et Xstrata.
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