Libye : Husni Bey, l’incontournable homme d’affaires

Husni Bey est arrivé à contourner les lourdeurs du régime Kaddafi pour construire l’un des rares grands groupes privés libyens. Dans la Libye post-révolutionnaire, l’homme d’affaires reste incontournable. Portrait.

Séparé de sa famille pendant treize ans, l’homme d’affaires jure n’avoir jamais douté d’un heureux dénouement. DR

Séparé de sa famille pendant treize ans, l’homme d’affaires jure n’avoir jamais douté d’un heureux dénouement. DR

MATHIEU-GALTIER_2024

Publié le 12 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

De son immense bureau dans le quartier d’Abou Nawas, Husni Bey, 64 ans, contemple la Méditerranée, un gazon impeccablement tondu et, au milieu, un palmier. Sa « deuxième maison » précise l’homme d’affaires qui ne se déplace plus : « Je déteste les embouteillages. » Il faut donc venir à lui pour faire affaire. Privilège du seigneur. Car, sur le marché privé libyen, le groupe Husni Bey (HB Group) fait figure de place forte. Aucun secteur clé n’échappe au groupe familial.

Amasser toujours plus d’argent

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Avec 24% des parts, Husni Bey est l’actionnaire majoritaire, le reste est divisé entre ses neuf frères et sœurs. Il emploie plus de 1 500 salariés dans 43 sociétés, « 5‰ des cols blancs du secteur privé libyen ». Il refuse de communiquer sur les chiffres clés, mais son catalogue de marques donne une idée de sa surface financière : Mango, Marks&Spencer, Yves Saint Laurent Beauté, Nutricia Baby Food, Procter&Gamble, Beck’s (uniquement les bières sans alcool), Ferrero, Barilla, Monoprix, etc.

Depuis la fin de la révolution et les tentatives du gouvernement de clarifier les règles, Husni Bey souhaite transformer son groupe en véritable holding. Pour le moment, il s’agit d’un conglomérat de sociétés indépendantes. « Sur les 43 compagnies, le groupe en possède un tiers à 100%, un tiers majoritairement et pour le dernier tiers, nous sommes minoritaires », résume Husni Bey. Ce montage complexe puise son origine non seulement dans la lourdeur du système kaddafiste, mais aussi dans l’ingéniosité du tycoon pour gérer ses affaires.

Les Libyens vont adorer les supermarchés où l’on peut tout trouver !

Neuf mois de prison

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L’histoire remonte aux années 1920, quand le grand-père fonde une entreprise de logistique. Son fils, Ibrahim, crée le groupe Husni Bey en 1952. L’arrivée de Kaddafi change la donne. Le « Guide » nationalise à tout crin. La famille Bey perd le contrôle de l’entreprise en 1978. Les frères et sœurs décident de fuir le pays. Husni, l’aîné, reste pour rebâtir la fortune familiale en tournant les nouvelles règles à son avantage. Kaddafi interdit qu’une entreprise soit présente dans plus d’un secteur, qu’elle prenne trop d’importance et qu’elle porte un nom en guise de patronyme. Le jeune entrepreneur multiplie donc les sociétés en veillant à ce qu’aucune ne prenne trop d’importance et que son nom n’apparaisse pas. Pourtant, à l’été 1996, il est arrêté pour « enrichissement » et passe neuf mois derrière les barreaux. À sa sortie, ses entreprises, gérées par des tiers, sont toujours là. Le pari est réussi, aidé par les dernières années du régime plus favorables au marché privé, contrepartie à la levée de l’embargo. L’histoire est belle. Trop belle pour certains. En 2011, Alsaid Dhaim, responsable d’une société de construction, expliquait à Bloomberg Businesweek que Husni Bey avait été partenaire du fils de Kaddafi, Saif el-Islam, dans la production du thon en boîte. Ses détracteurs le renvoient à ses contradictions : « Il prêche un marché économique libre alors qu’il pratique le protectionnisme avec son monopole sur les grandes marques », assure un homme d’affaires.

Aucun monopole

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D’autres dénoncent le principe des vases communicants à l’oeuvre entre les sociétés libyennes et étrangères de HB Group. Ces dernières facturent les marchandises au prix fort à leurs homologues libyennes qui ne font pas de bénéfices et évitent ainsi les impôts. Alsaid Dhaim refuse à présent de parler de Husni Bey. Car ce dernier est désormais incontournable, y compris en politique.

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Voir la fin des subventions

À 64 ans, Husni Bey est loin de vouloir raccrocher. Il aimerait voir la fin des subventions, par exemple. Un projet de loi en ce sens a été soumis au Congrès : « Le gouvernement ne devrait pas s’occuper d’économie, répète-t-il. Kadhafi n’est plus là mais le système reste le même : 40% des subventions sont détournées. »

Son dernier projet en date, c’est la grande distribution, avec l’implantation de Monoprix en Libye. « Les Libyens vont adorer les supermarchés où l’on peut tout trouver ! », parie Husni Bey. Sûr de son fait, le businessman avait contacté la société Géant Casino pour ouvrir un magasin à Tripoli. Frileux, les dirigeants français lui ont demandé d’ouvrir d’abord des Monoprix avec leur franchise en Tunisie. Le Libyen envisage d’en implanter 52 enseignes (la première a ouvert au printemps) et un Géant Casino d’ici deux à trois ans.

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