Affaire Bousso Dramé : le consul de France ne « constate pas de désamour des Sénégalais »

Au lendemain de « l’affaire Bousso Dramé », Alain Jouret, consul général de France à Dakar, s’explique sur la politique française en matière de visas et sur la perception négative des services consulaires par nombre d’Africains candidats au voyage.

Alain Jouret, consul de France à Dakar. © Mehdi Ba pour Jeune Afrique

Alain Jouret, consul de France à Dakar. © Mehdi Ba pour Jeune Afrique

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Publié le 26 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Depuis quelques jours, son coup de gueule fait le buzz sur internet. La lauréate sénégalaise du concours d’orthographe organisé par l’Institut français de Dakar, Bousso Dramé, devait se rendre en France le 27 juin pour y suivre la formation auquel son prix lui donnait droit. Jugeant que ses échanges avec ses interlocuteurs français dénotaient un paternalisme déplacé, elle a finalement décidé de renoncer à ce voyage et de le faire savoir, comme elle s’en est expliquée à Jeune Afrique.

Son geste a suscité une large vague d’adhésion de la part de tous ceux qui ont un jour ou l’autre fait l’expérience des préjugés tenaces qui font d’un Africain désirant se rendre en Europe un candidat présumé à l’immigration clandestine. Pour Alain Jouret, consul général de France à Dakar – dont l’un des agents fait l’objet des critiques de Bousso Dramé –, la perception négative que peuvent éprouver certains candidats sénégalais au visa mérite toutefois d’être relativisée. Une politique d’accueil a été mise en place depuis deux ans. Et contrairement à une idée reçue, les chiffres officiels traduisent une augmentation régulière des visas accordés par la France.

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Jeune Afrique : Quelle est votre réaction au lendemain de la décision de Bousso Dramé ?

Alain Jouret : J’en suis désolé. Bousso Dramé évoque une relation qui n’aurait pas été assez cordiale ou courtoise avec un agent du consulat. Ce que j’aurais aimé, c’est qu’elle s’adresse à moi pour qu’on je puisse savoir ce qui s’était passé exactement et que j’en tire les conséquences. S’il y a eu faute de la part d’un agent, celui-ci sera sanctionné.

Son cas fait écho à un sentiment largement partagé par les ressortissants africains, qui estiment faire l’objet de préjugés ou de tracasseries lorsqu’ils sollicitent un visa. Qu’en est-il à Dakar ?

Lorsque je suis entré en fonction, il y a bientôt deux ans, j’ai perçu ce ressenti d’une Europe fermée, qui ne voulait laisser entrer personne. Nous avons mis en place une politique d’accueil basée sur la politique des trois « R » : Respect de la personne qu’on reçoit ; Respect de la procédure ; Respect de l’agent qui reçoit. Nous avons également fait des efforts en termes de communication. Pour faciliter la constitution des dossiers, nous avons publié sur notre site internet un guide du demandeur de visa ainsi que des fiches thématiques pour les artistes, les étudiants, les conjoints de ressortissants français…

S’il y a eu faute de la part d’un agent, celui-ci sera sanctionné.

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Combien de visas délivrez-vous chaque année ?

Le consulat traite environ 32 000 demandes annuelles. Sur les huit dernières années, on constate deux phénomènes : d’une part, un volume de demandes en augmentation constante (entre 500 et 800 demandes supplémentaires par an) ; d’autre part, un taux d’acceptation relativement stable, qui se situe autour de 70 %. En valeur absolue, mécaniquement, le nombre de visas délivrés est donc en augmentation régulière.

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Au cours de l’été 2012, le chanteur Thione Seck ou le professeur Sankharé, agrégé de grammaire, ont dénoncé des tracasseries au niveau du consulat, ce qui avait ému l’opinion…

Il s’agit d’un double malentendu. Il n’y a pas eu de refus de visa concernant ces deux personnalités. La demande du professeur Sankharé a seulement donné lieu à une mesure de suspension, le temps que celui-ci puisse se mettre en conformité avec un hôpital français. Dans le cas de Thione Seck, il s’agissait d’une demande de complément d’information et à aucun moment d’un refus de visa. Les justificatifs demandés à un artiste sont toujours les mêmes, on peut en consulter la liste dans nos fiches d’information.

Ne craignez-vous pas que la perception d’une France "bunkerisée" amène les élites sénégalaises à se tourner vers des pays jugés plus accueillants ?

Une perception est insaisissable. Mais il est vrai que les temps ont changé, si l’on se réfère à une époque où les Sénégalais pouvaient se rendre en France sans visa et où nombre d’entre eux pouvaient y travailler pendant plusieurs années avant de rentrer au pays.

Cela étant dit, je m’efforce de défaire certains lieux communs en prenant en compte les chiffres à ma disposition. Si nous comparons nos statistiques à celles d’autres pays européens, nous recevons 32 000 demandes par an ; les Italiens, 7 000 à 8 000 ; les Espagnols, 3 500 à 4 000. Concernant les étudiants, nous en accueillons environ 2 200 au service des visas. Sur cette base, je ne constate pas de désamour des Sénégalais envers la France. Un lien de qualité demeure entre nous.

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Propos recueillis à Dakar par Mehdi Ba

 

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