Maroc : Essaouira, soif de partage

Le Festival Gnaoua Musiques du monde se tient pour la 16e année consécutive à Essaouira, du 20 au 23 juin 2013. Un pur moment de bonheur musical dans une ambiance conviviale.

Détail de l’affiche de la 16e édition du Festival d’Essaouira.Détail de l’affiche de la 16e édit © DR

Détail de l’affiche de la 16e édition du Festival d’Essaouira.Détail de l’affiche de la 16e édit © DR

Publié le 23 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

C’est reparti pour un tour! Le festival Gnaoua et musiques du monde 2013 tient sa seizième édition, jusqu’au 23 juin. Tout a démarré, jeudi soir, dans l’ambiance conviviale qui est sa marque de fabrique. Sous les alizés, la plage est toute retournée, mais l’attention se concentre ailleurs. Après le défilé d’ouverture, la foule converge vers la place Moulay El Hassan. Bigarrée et nonchalante. Il faut dire que la présence policière reste discrète, bien que suffisamment dissuasive. La grande scène Moulay El Hassan accueille les grands noms et leurs fusions avec les maîtres gnaoua. Le premier soir, la Zimbabwéenne Eska a fait la rencontre du grand maâlem Abdelkébir Merchane. Un moment de fusion entre deux belles voix comme un fragment de grâce, un an après son premier passage ici, salué par la critique. Partager, c’est l’âme de ce festival.

Chemins de traverse

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À quelques pas de là, les VIP se pressent au café Taros pour un cocktail de bienvenue. Ville plutôt libérale, Essaouira s’est toujours montrée accueillante pour les plaisirs, ailleurs interdits. Mais les happy few se dispersent aussi aux quatre vents. Le café voisin sert un thé à la mente correct, tout à fait indiqué contre la fraîcheur retombée. Essaouira, pendant le festival, c’est la place du village. Les fantômes du passé se sont donnés le mot pour réapparaître simultanément. Porté par une équipe d’organisation rodée, et très féminine, le festival est une grosse machine qui roule sans accrocs. Ici, les artistes sont accessibles pour un “chat” sans chichis. Nombreux, les vrais félins se prélassent sous la chaleur. Leur multiplication est telle qu’on a commencé à les stériliser. Partout à l’intérieur des remparts, la vie est piétonne.

Plus tard dans la nuit, les adeptes de musique gnaoua se donnent rendez-vous pour une soirée intimiste dans la très belle Dar Souiri. Dans le patio de cette maison du début du XX° siècle, des tapis de laine jetés sur le sol accueillent les mélomanes, assis en tailleurs ou a moitié allongés. Ici, sur une petite estrade, 7 musiciens à qraqeb (crotales) et le maâlem Abderrazak Moustakim adaptent le rituel ancestral de ce genre mystique. Pas à proprement parler des lilas, les cérémonies traditionnelles de musique et de transe, ces petits concerts acoustiques offrent tout de même une très bonne introduction au genre. Voix sépulcrale, le maître de cérémonie invoque les mânes des saints. L’éclairage et les reflets des tapis couvrent les murs blancs de teintes sang et or, comme pour mieux suggérer l’offrande et le sacrifice.

Incantation

Un homme se lève pour accompagner d’un pas de danse hésitant la musique entraînante. Il se saisit d’un des voiles de couleur posés sur l’estrade, se penche vers le brasero pour inhaler le benjoin. Là encore, un chat, nullement impressioné par la musique et les gens, se faufile entre les jambes des festivaliers, se lisse caresser, mystérieux et fier. Dar Souiri est son domaine. Guidés par la voix du maâlem et la ligne de basse de son guembri gnaoui, les porteurs de qraqeb scandent les prières et portent le danseur dans un rythme de plus en plus extatique. Bienvenue, la pause qui suit est l’occasion pour lui de s’offrir une lampée d’eau, Un groupe de jeunes interpellent le maâlem: “Bis. On n’est pas rassasiés.” La musique reprend bientôt; Le danseur n’en a pas fini de sa quête du rythme. En piste!

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Un festival, au delà d’une programmation musicale, est d’abord une ambiance. Celle d’Essaouira est propice à la marche et aux bifurcations. Eloge de la lenteur et du hasard des rencontres. Comme celles qui ont réuni, au deuxième soir, Moulay Tahar Asbahani, leader de la mythique troupe Jil Jalala, à Paco Ghiwane, le groupe qui perpétue l’oeuvre d’Abderrahmane Paco (les Souiris disent Paca), lui même ancien membre de Jil Jilala, mais aussi de Nass El Ghiwane, l’autre grand groupe marocain des années 1970. Natif d’Essaouira, issu d’une famille plutôt aisée, Paco a été artisan menuisier tout en suivant la patiente voie du tagnaouit qui le mène à devenir maâlem, maître du hajhouj. C’était le temps où la vie d’artiste était encore un chemin semé d’embûches. C’est son fils Younes qui a pris la relève en ouvrant aussi l’héritage de la musique gnaouie à l’influence d’autres instruments qui paraîtraient saugrenus. Pas ici, où le bagpipe trouve naturellement sa place. La même générosité présida au concert du Cubain Omar Sosa. Pianiste jazz, prêtant une oreille bienveillante aux influences venues d’Afrique et d’ailleurs, il a régalé le public par un récital aussi enjoué que virtuose, avant d’accueillir le maâlem Mahmoud Guinea. Un pur moment de bonheur musical!

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