Zimbawe : la présidentielle reportée de deux semaines ? Insuffisant, juge l’opposition
Le président zimbabwéen Robert Mugabe semble avoir cédé aux pressions de ses voisins d’Afrique australe en acceptant de retarder les élections. Un report de seulement deux semaines qui semble cependant insuffisant pour mettre en œuvre les réformes démocratiques demandées. Analyse.
Robert Mugabe, âgé de 89 ans et au pouvoir depuis 33 ans, avait mis en colère son principal opposant Morgan Tsvangirai la semaine dernière, en fixant au 31 juillet la date des élections présidentielle et législatives censées mettre fin à la cohabitation forcée entre les deux hommes, respectivement président et Premier ministre. Le chef de l’État s’appuyait alors sur une injonction de la Cour constitutionnelle.
Mais, avant la tenue de ces scrutins, Morgan Tsvangirai exige l’adoption de réformes promises depuis quatre ans, notamment pour libéraliser les médias et les services de sécurité, qui maintiennent la pression sur tous les opposants.
Samedi 15 juin, les pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui joue les médiateurs dans la crise zimbabwéenne, se sont montrés inhabituellement incisifs en donnant raison au Premier ministre et en demandant au président de décaler les élections. « Mugabe est sous pression pour garantir que les élections soient crédibles et acceptables par la SADC », estime Dumisani Nkomo, porte-parole du forum de la société civile du Matabeleland. Pour cet analyste basé à Bulawayo, la seconde grande ville du pays, « les résultats ne seront pas acceptées par la SADC » si les élections ne sont pas retardées.
Fausse main tendue ?
Le président Mugabe s’est partiellement exécuté cette semaine en saisissant la Cour constitutionnelle pour proposer de retarder le scrutin, mais de seulement deux semaines, soit au 14 août, ce qui selon la plupart des observateurs n’est pas suffisant pour assurer un vote équitable. « Il n’y a aucune garantie que les deux semaines soient accordées par la Cour », observe Takavafira Zhou, politologue à l’Université d’État de Masvingo.
Des groupes de défense des droits de l’homme et le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai ont déjà accusé le camp Mugabe de jouer la comédie, en déposant une requête dépourvue de sens et n’ayant aucune chance d’aboutir. « La requête est inachevée et de mauvaise qualité », a expliqué à l’AFP un porte-parole du MDC, Douglas Mwonzora. De plus, selon Lovemore Madhuku, un expert en droit constitutionnel à l’Université du Zimbabwe, la Cour dira non: « Les élections auront lieu le 31 juillet. Il est très peu probable que la Cour constitutionnelle change sa position. »
Quand bien même la requête de Robert Mugabe serait acceptée, personne ne pense qu’un délai de deux semaines permette de faire la chasse aux électeurs fantômes, d’introduire un peu de pluralisme dans les médias ou de débarrasser les forces de l’ordre de leurs commandants hautement politisés. « Même si le tribunal devait accorder la prolongation, je ne prévois pas de réformes mises en oeuvre en deux semaines. Pour moi, tout cela est une façade », résume Takavafira Zhou.
Trust Manda, membre de l’association des avocats du Zimbabwe pour les droits de l’homme (ZLHR), ne dit pas autre chose : « Cela ne doit pas être simplement un changement juridique, mais la loi doit être appliquée sur le terrain, et quinze jours ne suffiront pas. » Le camp de Morgan Tsvangirai voudrait organiser le scrutin le plus tard possible, d’ici le 31 octobre.
Sévérité inhabituelle de la SADC
Néanmoins, pour Charles Mangongera, consultant pour l’institut de politologie Mass Public Opinion Institute de Harare, la sévérité inhabituelle de la SADC, d’ordinaire plus complaisante, montre que l’organisation régionale n’acceptera pas un nouveau scrutin dont le résultat pourrait être remis en cause. « La résolution de la SADC a montré qu’elle ne tolérera pas l’unilatéralisme de Mugabe », juge-t-il.
Les victoires de Robert Mugabe aux élections présidentielles de 2002 et 2008 avaient été aussi contestées que violentes. Jusqu’à présent, le héros de la libération a pu faire jouer en sa faveur les solidarités nouées avec les autres chefs d’État de la SADC.
(Avec AFP)
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