Afrique du Sud : à Soweto, les catholiques appellent à poursuivre le rêve de Mandela
Dans l’église Regina Mundi à Soweto, symbole de la lutte contre l’apartheid, le père Sebastian Rossouw a utilisé la tribune de son prêche, dimanche 16 juin, pour désarmer les discours des Cassandre annonçant une guerre civile en Afrique du Sud, une fois Nelson Mandela disparu. Entré ce lundi 17 juin dans sa dixième journée d’hospitalisation, le père de la nation arc-en-ciel semble se porter mieux.
La fraicheur matinale de l’hiver austral n’a pas découragé les fidèles. Dès 9 heures, dimanche 16 juin, ils se pressaient devant la vaste église catholique Regina Mundi (Reine du monde) de Soweto.
Les raisons de communier dans ce haut lieu de résistance contre l’apartheid étaient nombreuses. Le pays commémorait l’anniversaire des émeutes de Soweto, au cours desquels plusieurs centaines personnes avaient été tuées, le 16 juin 1976. Pourchassés par la police, les jeunes protestataires, qui se soulevaient contre la décision du régime d’imposer l’afrikaans dans les écoles, étaient venus trouver refuge entre ces murs, avant que les agents n’ouvrent le feu.
Trente-sept ans plus tard, en ce jour de fête des pères, c’est celui de la nouvelle Afrique du Sud, Nelson Mandela, que les centaines de fidèles étaient surtout venus honorer. Pour la deuxième semaine consécutive, une grande partie de la messe était consacrée à la prière pour l’icône de la lutte contre l’apartheid, gravement malade et hospitalisée à Pretoria depuis le samedi 8 juin.
Dans l’église Regina Mundi à Soweto, dimanche 16 juin. © Pierre Boisselet pour J.A.
Des chants zoulous pour Madiba
Pendant trois heures, la vaste nef bien remplie a résonné de magnifiques chants (en Zoulou pour la plupart). Dans son prêche, le père Sebastian Rossouw a fermement dénoncé ceux qui prédisent des règlements de compte communautaires en Afrique du Sud, après la mort de l’homme qui a su gagner l’admiration de toutes les composantes du pays.
Ils disent que les Blancs commenceront à faire leurs bagages pour fuir le pays. Ne laissez pas ces esprits du mal vous atteindre.
« Certains disent, que lorsqu’il mourra, il y aura la guerre, a-t-il lancé, sous les vitraux symbolisant la lutte contre l’apartheid et qui représentent Nelson Mandela. Ils disent que les Blancs commenceront à faire leurs bagages pour fuir le pays. Ne laissez pas ces esprits du mal vous atteindre. Ne laissons pas s’échapper le rêve pour lequel Mandela s’est battu. »
L’icône de la lutte contre l’apartheid est toujours dans un « état grave » mais il « continue de s’améliorer depuis deux jours », a indiqué le président Jacob Zuma, dimanche. L’épouse de l’ancien président, Graça Machel, a quant à elle publié un communiqué ce lundi pour remercier les auteurs des messages de solidarité, qui lui ont donné « amour, réconfort et espoir ».
« Il ne faut pas que les gens se laissent gagner par la peur, a confié le prêtre à Jeune Afrique sur le parvis de l’église après le service. Si certains ont des craintes, qu’ils les gardent pour eux, car ils risquent d’avoir une mauvaise influence sur les autres. En 1994 [année de l’arrivée de Mandela au pouvoir], il y avait aussi les mêmes discours sur les risques d’une guerre civile. Elle n’a pas eu lieu. Moi, je n’ai aucune crainte. »
À quelques mètres de là, les militants du Congrès pan-africain d’Azania (PAC Azania), mouvement plus radical que le Congrès national africain (ANC, le parti de Mandela) pendant la lutte contre l’apartheid, tenaient un rassemblement pour faire connaître ses mots d’ordre aux fidèles sortant de l’église. Le premier d’entre eux est la redistribution des terres détenues par des fermiers blancs – une question épineuse que Mandela s’est toujours bien gardé de ne pas soulever frontalement.
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Pierre Boisselet, à Soweto
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