Égypte : pourquoi Mohamed Morsi a rompu les relations avec Damas
Le président égyptien Mohamed Morsi, qui a annoncé la rupture des relations avec Damas, veut donner des gages de solidarité aux pays arabes et occidentaux opposés au régime de Bachar al-Assad, mais cherche aussi à reprendre la main à domicile en invoquant un thème international face à une contestation grandissante, estiment des analystes.
Le 15 juin au soir, le président égyptien Mohamed Morsi a annoncé avoir coupé "définitivement" les relations avec le régime syrien, dans un discours devant des milliers d’islamistes rassemblés dans un stade du Caire pour une conférence de "Soutien à la Syrie".
Le chargé d’affaires égyptien à Damas sera rappelé, et l’ambassade syrienne au Caire sera fermée, a ajouté le chef de l’État égyptien, qui a également plaidé pour la mise en place d’une "une zone d’exclusion aérienne" au-dessus de la Syrie qui a qualifié d’"irresponsable" la décision du Caire.
"Réunion d’urgence de soutien"
Mohamed Morsi, qui a posé en défenseur d’une grande cause arabe et musulmane, a affirmé avoir entamé des contacts avec des États de la région en vue d’une "réunion d’urgence de soutien" au peuple syrien. Il a également dénoncé l’intervention du Hezbollah chiite libanais aux côtés des troupes syriennes.
Le Caire avait déjà réduit son niveau de représentation en rappelant son ambassadeur à Damas en février 2012, avant l’arrivée de Mohamed Morsi au pouvoir. Dès son élection quelques mois plus tard, le président issu de Frères musulmans avait affiché une ligne hostile au régime de Bachar al-Assad – notamment lors d’une conférence en août à Téhéran, principal soutien régional de Damas, à la grande satisfaction des Occidentaux, au premier rang desquels les États-Unis, et des pays arabes hostiles à Damas.
Avec ces nouvelles décisions, Morsi cherche manifestement à donner de nouveaux gages aux pays du camp opposé au régime syrien. "Le pouvoir de Morsi a adopté la position américaine dans le conflit en Syrie et tente de plaire à Washington en l’aidant au Proche-Orient", affirme Imane Ragab, du Centre al-Ahram d’études stratégiques et politiques. "Il espère qu’ainsi les Américains fermeront les yeux sur la manière dont le régime pourrait faire face" aux grandes manifestations de l’opposition attendues le 30 juin pour le premier anniversaire de son élection, assure-t-elle.
Ces déclarations rangent également l’Égypte encore plus fermement au côté des pays arabes les plus opposés à Damas, en particulier le Qatar, très proche du pouvoir de Morsi à qui il apporte un soutien financier décisif pour faire face à une sévère crise économique.
La crise intérieure est si profonde qu’aucune question externe ne peut l’éclipser.
Mais avec ces prises de positions, il entend aussi regagner du terrain sur la scène intérieure, où une pétition lancée il y a quelques semaines réclamant sa démission aurait déjà, selon la presse, recueilli 15 millions de signatures. "Les décisions de Morsi sont liées à la situation intérieure, afin de détourner l’attention" de la crise économique et des tensions politiques internes, affirme Mohammed el-Orabi, diplomate et ex-ministre des Affaires étrangères durant la transition qui a suivi la chute de Hosni Moubarak en 2011.
"Le président cherche à attirer l’attention sur des questions extérieures pour s’assurer un soutien populaire", estime lui aussi Amine Chalabi, du Conseil égyptien pour les relations extérieures. Toutefois, "la crise intérieure est si profonde qu’aucune question externe ne peut l’éclipser", estime-t-il.
Mohamed Morsi a d’ailleurs saisi l’occasion de son discours sur la Syrie pour évoquer la situation intérieure égyptienne, et affirmer qu’il agirait "avec détermination" contre ceux "qui veulent pousser le pays dans une spirale de violences et de chaos".
Le président égyptien pourrait chercher notamment à séduire l’importante partie de la population attirée par le discours des salafistes, tenants d’un islam sunnite rigoriste et détracteurs virulents du régime de Damas, dominé par la minorité alaouite, une branche du chiisme à laquelle appartient le président Assad.
La Syrie est en proie depuis mars 2011 à une révolte populaire devenue au fil des mois guerre civile. Les violences y ont fait depuis plus de 93 000 morts selon l’ONU, et le conflit prend de plus en plus une tournure confessionnelle.
D’influents oulémas sunnites de plusieurs pays arabes, dont l’Égypte, ont appelé jeudi depuis le Caire à mener le jihad contre le régime en Syrie.
(Avec AFP)
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