Bamako et les rebelles touaregs peinent à conclure un accord à Ouagadougou

Depuis le 8 juin, le gouvernement malien discute à Ouagadougou avec les rebelles touaregs qui contrôlent la ville de Kidal. Objectif : parvenir à un accord pour permettre la tenue de la présidentielle prévue le 28 juillet sur l’ensemble du pays. Mais, les deux parties peinent toujours à trouver un compromis.

Des participants aux discussions de Ouagadougou, le 10 juin 2013. © AFP

Des participants aux discussions de Ouagadougou, le 10 juin 2013. © AFP

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Publié le 16 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

"C’est pire qu’un accouchement", soupire un négociateur. Dans un climat de profonde méfiance, un accord peine à émerger des discussions de Ouagadougou entre le pouvoir malien et les rebelles touaregs contrôlant Kidal, dans le nord du Mali.

Lancées le 8 juin, les négociations devaient être bouclées en trois jours en vue de permettre la tenue dans la ville de Kidal de la présidentielle prévue le 28 juillet dans tout le Mali, élection cruciale selon la communauté internationale. Mais elles ont traîné en longueur entre le centre de conférences de Ouaga 2000, quartier huppé de la capitale burkinabè, et un grand hôtel à 300 mètres de là, où les débats font rage du matin jusque tard dans la nuit.

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Le chef de la diplomatie burkinabè, Djibrill Bassolé, est patient. Éternelles lunettes et voix posée, celui qui a déjà joué plusieurs fois les "facilitateurs" pour le compte de son président Blaise Compaoré (déjà médiateur durant la longue crise ivoirienne, notamment) enchaîne conciliabules, réunions et points de situation devant des journalistes sans se départir de son style pondéré.

"Il a le sens de l’écoute", dit à l’AFP l’un des diplomates (ONU, Union africaine, Union européenne, France, entre autres) qui l’appuient dans ses efforts. De l’écoute, il en faut pour rapprocher les positions des émissaires de Bamako et de la délégation conjointe touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA).

Nous sommes pour la paix, mais une paix qui défende les intérêts du Mali.

Chef de la délégation de Bamako, Tiébilé Dramé, conseiller spécial du président malien Dioncounda Traoré, a montré qu’il pouvait se montrer rugueux : le régime malien a obligé en début de semaine à renégocier un premier projet d’accord qui avait été accepté par les rebelles. "Nous sommes pour la paix, mais une paix qui défende les intérêts du Mali", lance l’ancien ministre.

Cependant, parmi les négociateurs internationaux, beaucoup s’interrogent sur son "agenda". Car l’émissaire du pouvoir malien de transition est aussi candidat à la prochaine présidentielle.

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Bamako "sous la pression de l’opinion"

Certains n’hésitent pas à y voir l’explication de sa fermeté dans les discussions : l’opinion malienne est peu encline aux concessions, tant elle est remontée contre les rebelles touaregs qui ont ouvert en 2012 les portes du nord du Mali aux groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda. L’expression revient d’ailleurs en boucle: les représentants de Bamako se disent "sous la pression de l’opinion".

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En pleins débats à Ouagadougou, Tiébilé Dramé prend même le temps d’intervenir lui-même sur des forums de sites internet maliens pour livrer sa vision d’une solution. Il sait prononcer les mots qui vont droit au cœur de nombre de ses compatriotes : "bientôt le drapeau malien flottera sur Kidal", promettait-il samedi, à la veille d’une importante réunion sur un nouveau projet d’accord.

Les représentants touaregs donnent nettement moins de la voix. Emmenés par Mahamadou Djeri Maïga (MNLA) et Algabass Ag Intalla (HCUA), un transfuge du groupe islamiste Ansar Dine, ils sollicitent plutôt sans cesse le ministre burkinabè des Affaires étrangères et les diplomates qui l’épaulent.

Méfiance

Les concertations en interne se succèdent parmi la pléthore de négociateurs (une bonne trentaine) du bloc MNLA-HCUA. Des cadres touaregs réfugiés depuis des mois à Ouagadougou les rejoignent pour discuter, analyser, décortiquer propositions et contre-propositions. Les dîners souvent s’éternisent. Les mouvements touareg l’assurent sans relâche : ils ne seront pas "un obstacle pour les élections". Mais la volonté de Bamako de désarmer leurs combattants sitôt les soldats maliens revenus à Kidal les hérisse.

Cantonnement d’accord, mais en gardant les armes à portée de main : la méfiance règne, et chaque camp ramène l’autre à ses exactions des derniers mois.

Les mouvements armés touareg se sont installés fin janvier à Kidal, à la faveur de l’opération militaire française dans le nord du Mali qui a délogé les groupes jihadistes, dont le MNLA fut un temps l’allié avant d’être balayé par eux.

Depuis lors, la question de Kidal est devenue de plus en plus centrale, jusqu’à conditionner la tenue de la présidentielle. Dans un climat si tendu, la solidarité existe quand même. Un collaborateur de Tiébilé Dramé et deux représentants de la médiation ont accompagné samedi à Kidal, pour un rapide aller-retour à bord d’un avion militaire français, un négociateur des groupes touaregs qui venait de perdre sa mère.

(Avec AFP)

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