Mariatou Koné : « L’Ivoirien doit penser Côte d’Ivoire avant tout »

L’anthropologue Mariatou Koné est directrice du Programme national de cohésion sociale de Côte d’Ivoire (PNCS). Créée en février 2012, celui-ci a pour vocation de remplacer la Commission dialogue vérité et réconciliation (CDVR), arrivée en fin de mandat.

Manifestations de femmes en marge d’un sommet sur la crise ivoirienne, à Abuja, le 23 mars 2011. © Afolabi Sotunde/Reuters

Manifestations de femmes en marge d’un sommet sur la crise ivoirienne, à Abuja, le 23 mars 2011. © Afolabi Sotunde/Reuters

Publié le 14 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Pourquoi avoir créé le Programme national de cohésion sociale (PNCS) ?

Il est né en février 2012 à l’issue d’une succession de crises sociopolitiques en Côte d’Ivoire, la dernière étant la crise postélectorale de 2010. Celles-ci ont engendré une profonde fracture sociale faisant que les Ivoiriens ne se parlaient plus. Il fallait donc ramener une certaine harmonie et la paix entre eux.

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Est-il vrai que le PNCS a pour vocation à remplacer la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) ? Elle devrait bientôt cesser ses activités…

Mariatou Koné (ci-contre) : La CDVR a été créée pour réconcilier les Ivoiriens à l’issue de la crise. Le PNCS, lui, vient en renfort, son rôle étant de faire en sorte que le retour de cette paix soit durable. Nous ne venons pas avec l’intention de nous substituer à la CDVR mais plutôt pour compléter son travail au travers des actions de développement et de solidarité. On ne peut pas présager de la disparition de la CDVR car on ne sait pas si son mandat de deux ans est reconductible. Si elle n’existe plus, il n’y a pas de raisons que nous ne puissions pas assumer le rôle qui lui était dévolu.

Les moyens financiers dont vous disposez sont-ils suffisants ?

Le gouvernement nous a accordé un budget de 7 milliards de F CFA (10,6 millions d’euros) pour le mandat de quatre ans accordé au PNCS de 2012 à 2015. Mais cela n’exclut pas qu’il y ait des actions, des activités et des projets qui coûtent plus. Ce montant est  indicatif : 7 milliards finalement, ce n’est rien finalement par rapport aux attentes.

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Combien faudrait-il pour que le PNCS puisse donner sa pleine mesure ?

Dur à dire. Avant le lancement du programme, par exemple, nous avions estimé un projet de réhabilitation de logements à 600 millions. Nous pensions rénovation, mais il y avait aussi des besoins de construction de logements sociaux, d’un coût total de 9 milliards. À lui seul ce simple projet dépassait finalement le budget de l’ensemble du programme. Il n’est donc pas possible de dire qu’avec 10 ou 15 milliards nous allons y arriver. Depuis le lancement, nous recadrons nos activités pour sortir un plan d’action réaliste.

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Concrètement, comment renforce-t-on la cohésion sociale ?

Au quotidien, nous aidons les personnes qui ont perdu tous leurs biens à retrouver leur dignité au travers d’activités génératrices de revenus, de perfectionnement ou de premier emploi pour les jeunes. Le PNCS s’investit également aux côtés des personnes déplacées. Il y a aussi des projets d’assistance humanitaire.

Les familles sinistrées sont visitées, bénéficient d’une prise en charge financière, reçoivent des vivres et des non-vivres. Une commission d’apparentement familial sera mise en place pour les enfants abandonnés du fait de la crise. L’un de nos grands projets concerne l’éducation à la citoyenneté. L’Ivoirien doit penser Côte d’Ivoire avant tout, avant de penser ethnie, religion, politique…

Quelles sont les difficultés rencontrées sur le terrain ?

En Côte d’Ivoire, on parle en termes de camps, d’où la difficulté de rassembler tout le monde autour du programme. Nous nous efforçons de faire en sorte qu’il ne soit pas perçu comme le programme au bénéfice d’un « camp A » ou même contre un « camp B ».

Comment parvenir à une vraie réconciliation en Côte d’Ivoire ?

Pour apaiser les cœurs en Côte d’Ivoire, Il faut que les Ivoiriens qui ont perdu des choses se retrouvent, se parlent et s’écoutent. Il faut tuer les rumeurs et la presse doit s’impliquer. Au moment où elle délivre une information, elle doit être sûre qu’elle ne va pas provoquer la division. Elle doit avoir le souci de rassembler. Il y a encore beaucoup d’intolérance et de refus de l’acceptation de l’autre.

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Propos recueillis par Abdel Pitroipa

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