La lutte sénégalaise en quête d’une arène mondiale
Très populaire au Sénégal, devant le football, ce sport de combat envisage désormais de s’affirmer comme produit d’exportation à l’extérieur du continent.
Élevé au rang de sport-roi, la lutte sénégalaise est au pays de la « Téranga » (hospitalité en wolof) ce que le sumo est au Japon. Au point de remplir des stades entiers les jours de grands combats, avec bien plus de succès que le football, discipline sportive favorite dans la plupart des pays du continent.
Objets d’une surenchère sans fin, les cachets peuvent atteindre jusqu’à 100 millions de francs Cfa (150 000 euros) attribués à celui qui sort vainqueur de l’arène. Parfois sanguinolent, mais triomphant, ce dernier est célébré dans tout le pays comme un dieu vivant, un héros porté aux nues, jusqu’à la défaite fatale contre un outsider venu occuper à son tour le statut de champion. En quête de récupération commerciale, les sponsors déversent des flots d’argent lors de ces évènements très suivis. Impliquées à l’extrême, les populations se déplacent massivement pour aller soutenir les « mbeurkatt » (lutteurs) qui représentent leur ville.
Malheureusement la lutte sénégalaise a échoué à faire salle comble au Palais omnisport de Paris Bercy, lors du grand gala organisé le 8 juin dernier. Et cela malgré une affiche alléchante confrontant « l’ouragan de Pikine », Baboye (16 victoires, 8 défaites), au bien nommé « Bombardier », représentant de la ville de Mbour (16 victoires, 7 défaites). Pour cette exhibition inédite en France, seuls 30 % des sièges du complexe polyvalent étaient occupés, si bien que les organisateurs donnaient l’impression d’avoir vu trop grand pour ce « coup d’essai ».
À la conquête du monde
Affichant une mine satisfaite, Amadou Badiane tempère ce constat et parle de succès qu’il faut considérer à une plus grande échelle : « nous n’avons pas rempli Bercy mais un public de près de 50 millions de personnes a eu la possibilité d’assister à ces combats de lutte. » Partenaire officiel et propriétaire des droits pour la retransmission (au même titre que la télévision sénégalaise Futurs Médias), la chaîne Canal + a consacré un créneau ininterrompu de trois heures de direct à l’évènement dans les 26 pays de son réseau africain. Un investissement qui fait dire à son promoteur, secret sur la divulgation de chiffres, que le grand gala a « atteint son équilibre financier.»
Même si le pari de la délocalisation est de faire de de la lutte sénégalaise une discipline aussi connue dans le monde que le « catch américain », c’est bien la communauté sénégalaise et africaine immigrée dans l’Hexagone qui est visée, en premier lieu. Dans cette logique, les promoteurs du « World tour » ciblent à présent deux autres métropoles « à fort potentiel ».
« Maintenant, il faut installer l’évènement ailleurs, annonce Amadou Badiane. Des dates sont d’ores et déjà prévues sur notre calendrier à Milan en novembre puis à Barcelone en décembre ». Un grand nombre de ressortissants sénégalais y vivant sont espérés.
Après ces trois éditions européennes, la lutte sénégalaise tentera le prochain grand saut, celui de s’exporter vers les États-Unis, en février 2014 à New-York, ville cosmopolite connue entre autres pour abriter un… « Little Sénégal ».
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Abdel Pitroipa
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