Nelson Mandela hospitalisé : les Sud-Africains entre espoir et résignation

Les autorités sud-africaines ont reconnu que Nelson Mandela était hospitalisé à la Mediclinic Heart de Pretoria. Mardi 11 juin, son état de santé était toujours jugé « très grave mais stable », même si la communication de la présidence semble préparer les Sud-Africains au pire.

Statue de Mandela, le 11 juin 2013 à Johannesbourg. © AFP

Statue de Mandela, le 11 juin 2013 à Johannesbourg. © AFP

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Publié le 12 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Invisible, mais au centre de toutes les attentions. Derrière les grands murs couleur brique de l’hôpital Mediclinic heart, Nelson Mandela est là. On est au moins sûr de cela : après avoir retenu l’information depuis son admission, samedi matin, la présidence sud-africaine (seule autorité qui communique sur la santé de l’ancien président) a confirmé sa présence dans cet établissement de Pretoria.

La volonté de garder ce qui était devenu un secret de polichinelle – des dizaines de reporters du monde entier étaient déjà massés devant l’établissement où des proches de Mandela avaient été vus – a de quoi faire douter sur l’état de santé réel du héros de la lutte contre l’apartheid. Officiellement, il est inchangé : « très grave mais stable », comme l’a répété le président sud-africain Jacob Zuma mardi, après avoir rencontré l’équipe de médecins, la veille au soir. Le président s’est ensuite envolé pour le Cap où l’attend un important vote du parlement.

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Mais Zuma n’avait-il pas affirmé qu’il était « en bonne forme et souriant » au mois d’avril, alors qu’une vidéo de leur rencontre montrait au contraire un vieil homme au visage figé, visiblement incommodé par ses visiteurs. En l’absence d’informations plus précises, des témoignages contradictoires circulent. Alors que sa fille, Zindzi, affirmait récemment qu’il allait bien, dans une interview au Guardian, un journaliste de la chaîne américaine CBS a assuré que l’ancien président avait échappé de peu à la mort : il aurait été réanimé après une attaque, dans la nuit précédent son admission tandis que ses reins et son foie ne fonctionneraient qu’à 50%.

C’est le dernier grand homme d’État. Avant même que je sois né, il luttait déjà.

La plupart des Sud-africains semblent s’être habitués à cette incertitude. De fait, les signes de nervosités sont rares. Peut-être cette église bondée du centre de Johannesburg, qui déverse ses fidèles jusque sur le trottoir d’en face en début d’après-midi ? « C’est toujours comme ça », affirme un passant.

Les hospitalisations à répétition de Nelson Mandela (c’est la cinquième depuis janvier 2011) ont-elles amené les Sud-africains à se faire à l’idée de le perdre ? Dans le parc d’Arcadia, à Pretoria, la vie suivait son cours mardi après-midi, entre matches de football et parties de cartes. Seul les journalistes venus en nombre aux abords de la clinique – plusieurs dizaines, avec tout l’équipement nécessaire aux directs – perturbaient le calme du quartier, siège de nombreuses ambassades et administrations. Ils seront même le sujet principal du reporter d’un journal local, venu interviewer ses confrères étrangers.

Petros, un technicien de 29 ans, est venu assister au spectacle de la forêt de caméra en sortant du travail. Mais il ne s’en étonne pas plus que cela. « C’est le dernier grand homme d’État. Avant même que je sois né, il luttait déjà. Et s’il n’était pas arrivé au pouvoir, un homme noir comme moi n’aurait même pas pu marcher dans cette rue. » Son pronostique est assez réservé. « À son âge, on ne se remet pas comme ça de ce genre d’infections. Tout ce que j’espère, c’est qu’il tienne jusqu’à ses 95 ans [le 18 juillet prochain] ». Et après ? Pour Petros, il ne fait aucun doute que son décès marquera un tournant dans l’histoire du pays.

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« Madiba [son nom de clan et surnom affectueux] nous a demandé de négocier et de pardonner. Mais les Noirs n’ont rien oublié de ce qu’ils ont subi. Certains souffrent encore, surtout dans les campagnes. Ils ont le sentiment d’avoir été dépossédés de leurs terres et ce gouvernement ne fait rien pour eux. Tout le monde aime Mandela et les gens ne veulent pas le décevoir. Mais le jour où il disparaîtra, les choses vont bouger », affirme-t-il, avec un mélange de crainte et de curiosité.

Mickey, lui, ne veut pas entendre parler de malheur. Ce jeune chauffeur de taxi, qui travaille un peu plus depuis l’arrivée du patriarche dans son quartier, demande des nouvelles fraîches à tous les journalistes qu’il charge. « Je me sens tellement proche de Madiba… C’est comme s’il faisait partie de moi. Je suis très inquiet. Mais je suis confiant. Il va s’en sortir. C’est un combattant ».

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Pierre Boisselet, envoyé spécial

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