Rwanda : le « Cadre de l’espoir » peut-il faire une différence en RDC ?

Albert Rudatsimburwa est directeur de la radio Contact FM, au Rwanda.

Publié le 11 juin 2013 Lecture : 4 minutes.

Signé par la RDC et dix autres pays, attesté par trois organismes régionaux africains ainsi que par les Nations unies, l’Accord cadre d’Addis-Abeba est le document conceptuel à partir duquel l’Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations unies (SGNU), Mary Robinson, ancienne présidente de la République d’Irlande, a été chargée de proposer une feuille de route ainsi que d’en assurer le suivi.

L’accord en question met en évidence le besoin urgent d’accélérer les réformes en RDC, en coopération renforcée avec les pays clés de la région des Grands Lacs, en particulier le Congo, le Rwanda et l’Ouganda.

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Y aurait-il enfin du nouveau sous le soleil ? Pour commencer, avec cet accord on part d’une perspective plus large, mettant l’accent sur le dialogue politique, la bonne gouvernance et la coopération régionale ; ce qui est pour le moins rafraîchissant. Deuxièmement, le point de vue lucide qui fait du développement économique – stimulé par un financement d’un milliard de dollars, proposé par la Banque mondiale – une priorité cruciale pour soutenir la coopération entre les signataires, révèle un état d’esprit constructif : la volonté de se soucier du sort des populations touchées s’affirme enfin contre le désir inassouvissable de marquer quelques misérables points sur l’échiquier politique.

La mission dirigée par Robinson, dont la personnalité réfléchie et expérimentée apporte une dimension supplémentaire à cette initiative, pourrait donc symboliser un nouveau départ après une longue liste d’échecs internationaux dans la région des Grands Lacs. Laissant de côté toute stigmatisation stérile et en rebaptisant l’Accord cadre de la paix, de la sécurité et de la coopération en « Cadre de l’espoir », l’ex-numéro un Irlandaise montre aussi son choix délibéré d’aborder ce problème en regardant vers l’avenir.

Je m’inquiète cependant beaucoup pour la mission qu’est la sienne. En effet, alors qu’il m’était permis de croire qu’elle avait rassemblé autour d’elle une solide équipe d’analystes et d’experts internationaux pour soutenir les efforts de paix, une recherche rapide m’a prouvé le contraire. Selon des sources fiables, un ajout de dernière minute est venu se greffer à l’équipe Robinson, en la personne de Frederico Borello, dont la mission sera d’agir en tant que conseiller de l’Envoyée spéciale. Mon inquiétude n’a cessé d’augmenter quand j’ai découvert qu’il était l’enquêteur principal pour l’infâme « Rapport Mapping sur la RDC » (2010), largement discrédité pour ses récits trompeurs et affirmations radicales, y compris avec l’utilisation absurde du terme « génocide » contre les Hutus réfugiés dans l’est du Congo.

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Et les vues enflammées de l’activiste ont eu un certain succès eu ces dernières années. En 2011, à titre d’exemple, Borello a contribué – avec tout le gratin des militants anti-Rwanda – la « Hate Rwanda Ltd » comme un auteur les a surnommés, – à la rédaction de l’ouvrage, discrédité lui aussi, « Remaking Rwanda ». Il y utilise, comme à son habitude lorsqu’il s’agit des problèmes de la RDC, son prisme « il-faut-punir-le-Rwanda », en écrivant : « si la communauté internationale avait mis plus de pression sur le Rwanda plus tôt, elle aurait dissuadé son soutien ultérieur aux milices tels que le CNDP » (voir la critique de « Remaking Rwanda »)

Mary Robinson devra démontrer toute son indépendance de caractère et ses qualités de leadership.

Plus récemment, en Avril 2013, Frederico Borello, avec l’aide de ses nombreux liens dans le réseau anti-Rwanda, a trouvé audience auprès du Congrès américain. Son témoignage y a étayé, encore une fois, l’idée selon laquelle le Rwanda est la cause principale de l’instabilité en RDC. On y trouve de grandes déclarations comme : « L’élimination de l’influence déstabilisante du Rwanda : une condition nécessaire à la résolution des causes profondes du conflit ».

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Un célèbre proverbe rwandais dit qu’une pierre cachée, lorsqu’elle est démasquée, ne peut plus nuire à la houe ; tel est donc le but de cette tribune : attirer l’attention sur l’influence négative que certains acteurs tendancieux, de manière abusive, pourraient avoir dans une situation où les enjeux sont si élevés qu’ils dépassent tout entendement.

Entre les appels désagréables à légitimer les FDLR génocidaires et l’influence négative « d’experts » activistes et militants, la mission de l’Envoyée spéciale des Nations unies ne sera pas facile. Pourtant, sa contribution à la stabilité durable dans la région des Grands Lacs est absolument nécessaire. C’est une occasion unique qui ne doit pas être manquée.

Mary Robinson devra démontrer toute son indépendance de caractère et ses qualités de leadership qui lui sont propres afin que le « Cadre de l’Espoir » ait une chance de réussite et puisse ainsi faire la différence.

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