Turquie : contre les manifestants de Taksim, Erdogan choisit la stratégie du bras de fer

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a lancé, le 9 juin, la contre-offensive face aux dizaines de milliers de manifestants de la place Taksim qui réclament depuis dix jours sa démission. Le chef de l’AKP a mobilisé ses partisans et prévenu que sa patience avait des « limites ». Mais les protestataires restent déterminés et mobilisés contre le gouvernement.

Tayyip Erdogan s’adresse à ses partisans à son arrivée à Ankara, le 9 juin 2013. © AFP

Tayyip Erdogan s’adresse à ses partisans à son arrivée à Ankara, le 9 juin 2013. © AFP

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Publié le 10 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Il ne partira pas. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, l’a fait savoir, le 9 juin, en demandant à ses partisans de se mobiliser à leur tour contre les dizaines de milliers de manifestants qui réclament sa démission depuis plus de dix jours. Le chef du gouvernement a renoué ainsi avec sa rhétorique offensive contre les « pillards » et les « extrémistes », et dénoncé un complot « organisé à l’intérieur et à l’extérieur » du pays.

Tout au long de la journée de dimanche, il a multiplié les discours télévisés devant des foules de partisans réunis par son Parti de la justice et du développement (AKP) pour occuper l’espace médiatique.

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Menaces

Dès son arrivée en fin de journée, à Ankara, Erdogan a laissé paraître son agacement devant la persistance de la contestation. « Nous restons patients, nous sommes toujours patients, mais notre patience à des limites », a-t-il menacé. « Nous ne rendrons pas de comptes à des groupes marginaux mais devant la nation (…) [qui] nous a amené au pouvoir et c’est elle seule qui nous en sortira », a-t-il poursuivi devant la foule chauffée à blanc qui scandait « La Turquie est fière de toi ».

Sûr du soutien d’une majorité de Turcs – en 2011, AKP, issu de la mouvance islamiste, avait recueilli à lui seul 50% des suffrages -, le Premier ministre a demandé à plusieurs reprises à ses fidèles de « donner une leçon » de démocratie aux manifestants lors des prochaines élections municipales de 2014. Avant de lancer à ses détracteurs : « Vous parlez de démocratie, de libertés et de droits, mais vous ne les obtiendrez pas par la violence mais par la loi. »

Au moment où Tayyip Erdogan achevait le dernier de ses discours, la police a violemment dispersé dimanche soir, pour la deuxième journée consécutive, des milliers de manifestants réunis place Kizilay à Ankara, le cœur de la contestation dans la capitale. Plusieurs personnes ont été blessées et d’autres interpellées.

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Épreuve de force

La stratégie de la tension adoptée par le chef du gouvernement fait craindre des dérapages entre les manifestants et ses partisans. Des incidents violents ont déjà eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche entre les deux camps à Ankara. Et, selon les médias turcs, des échauffourées ont été également signalées à Adana (sud) à l’issue d’une manifestation entre opposants et partisans du Premier ministre.

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Taksim et le petit parc Gezi, dont la destruction annoncée a lancé la fronde, avait enregistré samedi soir sa plus forte affluence depuis le début du mouvement, dopée par la présence de milliers de supporteurs des clubs de football rivaux de la ville, Galatasaray, Fenerbahçe et Besiktas, réconciliés pour l’occasion.

Ces incidents et la stratégie de la confrontation à nouveau adoptée par  Erdogan dimanche, à la faveur de son déplacement à Adana, suscitent questions et inquiétudes sur la suite du mouvement et les risques d’escalade.

Appel à la "retenue"

La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton,  a appelé dimanche à « une solution rapide » en Turquie et demandé aux opposants comme aux partisans de Tayyip Erdogan de faire preuve de « retenue ».

Pour sa part, le prix Nobel de littérature, Orhan Pamuk, une voix respectée en Turquie, a lui-même confié son désarroi après plus d’une semaine d’une contestation sans précédent depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002. « Je suis inquiet car il n’y a toujours pas en vue de signes d’un dénouement pacifique », a déclaré l’écrivain lors d’une conférence à Rome, cité par la presse turque. Et « je comprends la façon de protester des gens », a-t-il ajouté.

Signe que la tension reste encore vive entre les deux camps. L’AKP a d’ores et déjà prévu d’organiser deux réunions publiques de masse samedi prochain à Ankara et le lendemain à Istanbul, officiellement pour lancer sa campagne pour les élections municipales de l’an prochain. Une nouvelle occasion pour Tayyip Erdogan de répondre aux dizaines de milliers de Turcs qui le narguent, souvent bière à la main, devant les caméras du monde entier.

(Avec AFP)

 

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