Maroc : à Fès, un bienheureux choc des civilisations
Lors de la 2e journée du Festival de Fès des musiques sacrées du monde (7-15 juin), les polyphonies sardes ont, le temps d’un concert émouvant, rencontré le khöömii mongol. Sensationnel.
Et brusquement, la tectonique des plaques s’est accélérée. L’Asie est venue heurter le monde méditerranéen, les montagnes de la Sardaigne ont percuté de plein fouet celles de l’Altaï et le désert de Gobi. L’épicentre du séisme : Fès, dans le nord du Maroc. Le choc culturel n’a néanmoins provoqué aucune victime : les spectateurs qui assistaient à la rencontre entre les chants sardes et mongols, organisée dans le cadre du Festival des musiques sacrées du monde (jusqu’au 15 juin), sont repartis ravis de l’expérience.
Il fallait oser. Le directeur artistique du festival, Alain Weber, l’a fait. Sous le chêne pluricentenaire trônant au milieu de la cour du Musée Batha, il a organisé la rencontre entre les polyphonies sardes et le khöömii (qui signifie littéralement « larynx ») mongol. Sur scène, cela donne cinq hommes en gilet noir sur chemise blanche et deux hommes en robes traditionnelles mongoles, toutes de rouge et d’orange.
Chants diphoniques
Les premiers n’ont pour arme que leur voix et, parfois, une flûte. Les autres accompagnent à la guimbarde ou à la vièle (khiil-khuur) un chant dit « diphonique » venu des profondeurs de leur corps qui évoque tantôt le fracas de rocailles entrechoquées, tantôt le sifflement souterrain de l’eau ou le galop d’un cheval. Mais il ne s’agit pas de se battre, les steppes du Gobi-Altaï n’ont rien contre le maquis sarde !
Improbable, surprenante, la rencontre des deux mondes émeut et transporte. Plus de frontières, mais une même célébration humaine de la nature. Musiciens sardes et Mongols dialoguent, échangent, partagent, créant l’espace d’un concert une parenthèse fraternelle. Et quand il s’agit de dire au revoir au groupe Concordu E Tenore de Orosei et aux chanteurs T. Tsorgtegerel et N. Ganzorig, une certaine mélancolie s’insinue sous les frondaisons du vieux chêne.
Déjà fini ? Non, ils reviennent un moment unir leurs voix… Et s’il faut finalement se résigner à les voir repartir pour leur steppe ou leurs montagnes, l’on se console avec l’idée que le Festival de Fès n’est pas fini et que la tectonique des plaques se poursuit, forgeant pour quelques jours une pangée musicale qui a tout d’un îlot de paix.
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Par Nicolas Michel, envoyé spécial à Fès
Jeune Afrique est partenaire du Festival de Fès des Musiques sacrées du Monde.
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