Abdeslam Ouaddou : « Au Qatar, on vous jette pour un oui ou pour un non »

L’ancien international marocain Abdeslam Ouaddou a saisi la Fifa pour non-respect des obligations contractuelles de Lekhwiya, son ancien club au Qatar. Et dans ce pays, il est loin d’être le seul international à se plaindre de l’attitude de ses anciens employeurs…

Abdeslam Ouaddou, champion du Qatar avec Lekhwiya en 2011. © DR

Abdeslam Ouaddou, champion du Qatar avec Lekhwiya en 2011. © DR

Publié le 6 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Les coups de fil menaçants n’ont rien changé. « On m’a appelé deux fois pour me dire que je m’attaquais à des gens puissants, que je devais faire attention », assure Abdeslam Ouaddou (34 ans). Mais l’ex-international marocain a choisi de poursuivre le bras de fer engagé depuis qu’il est rentré du Qatar, en novembre dernier, avec les deux clubs où il joué : Lekhwiya et Qatar SC.

« Les Qataris veulent se donner une image de respectabilité. Ils investissent dans de nombreux pays, mais chez eux, les contrats ne veulent parfois pas dire grand-chose. Sous prétexte qu’ils ont de l’argent, certains pensent avoir tous les droits !» s’emporte-t-il.

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L’histoire avait pourtant bien débuté. « J’étais libre, et Lekhwiya [qui appartient au Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, émir héritier du Qatar, NDLR] m’a proposé en juin 2010 un contrat de deux ans, avec un an de plus au cas où on termine dans les quatre premiers. Nous avons été champions du Qatar, mais à partir de l’été 2011, ça a commencé à se compliquer. »

Déplacé

Ouaddou apprend qu’il est prêté au Qatar SC, un autre club de Doha également propriété de la famille Al Thani. « J’ai été déplacé, plutôt que prêté, puisqu’il n’y a pas eu de document officiel disant que c’était un prêt ou un transfert. On ne m’a pas demandé mon avis. J’ai expliqué que j’étais venu pour jouer à Lekhwiya, on m’a répondu que l’ordre venait du cheikh Al Thani, et qu’on ne discutait pas ses ordres. »

« Pendant un an, j’ai joué, et mon salaire était payé par Lekhwiya. Mais au début de la deuxième saison au Qatar SC, le club a engagé un iranien, et a voulu se séparer de moi. C’est comme ça au Qatar : on vous jette pour un oui ou pour un non… » Écarté de l’équipe première, obligé de s’entraîner seul sous le soleil de plomb de Doha pendant que le reste de l’effectif était en stage de reprise en Espagne, Ouaddou commence à ne plus percevoir son salaire à partir de juillet 2012.

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« J’ai déposé une plainte devant la Fifa. Ils ont menacé de ne pas m’accorder mon visa de sortie du pays, j’ai alors répondu que j’allais saisir la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, et ils m’ont laissé partir, en me disant qu’à la Fifa, ils étaient puissants et que ma plainte mettrait cinq ou six ans à aboutir. Ils me doivent au total un an de salaire. Ce qui est fou, c’est qu’ils dépensent des milliards d’un côté pour leur business ou leur image, et de l’autre, ils ne sont pas capables d’honorer des contrats, où parfois, les sommes en jeu ne  sont pas énormes.»

Visas de sortie

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Le vice-champion d’Afrique 2004 assure ne pas être le seul joueur à voir ses droits contractuels piétinés. « Il y a d’autres cas, comme celui de Zahir Belounis. Mais certains n’osent pas parler, de peur d’être bloqués là-bas. D’autres préfèrent partir, avec une petite indemnité, et passer à autre chose. » Ce qu’a fait, notamment, Jean Godefroy, l’ancien préparateur physique français de Lekhwiya, remercié en octobre dernier lors de l’arrivée d’Eric Gerets et de son staff technique, qui a préféré accepter un chèque plutôt que de s’engager dans une procédure aussi longue qu’incertaine.

>> Lire l’interview de Belounis : "Les Qataris ne veulent pas me délivrer mon visa de sortie"

C’est la voie qu’avait aussi choisie Stéphane Morello (51 ans), un entraîneur français arrivé au Qatar en 2007. « J’ai été recruté par le Comité olympique qatari, qui m’a placé à Shanya, en Division 2. Quand je suis revenu de vacances après la fin de la première saison, le président avait changé, il ne voulait plus de moi, et le Comité m’a envoyé à Al-Shamal. D’où j’ai été viré au bout de quelques mois, sans être payé. »

Comme Belounis, Morello a porté l’affaire devant la justice qatarie. « En première instance, on m’a donné tort. Et en appel, j’ai été débouté », explique-t-il, assurant avoir renoncé à se pourvoir en cassation. « À quoi bon ? Aujourd’hui, je veux rentrer en France. Le problème, c’est que mon parrain n’est plus le Comité olympique. En fait, je ne sais plus qui est le parrain qui devra me délivrer mon visa de sortie. J’attends », soupire le technicien français, pas loin de penser que des cas identique au sien existent dans l’émirat. « Les gens ne parlent pas. Alors, ça ne s’ébruite pas…»

>> À lire aussi : notre dossier spécial "À quoi joue le Qatar", dans JA n° 2734, en kiosques du 2 au 8 juin.

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