Poésie : l’Afrique débarque à Paris pour la coupe du monde de slam
Et si l’Afrique brillait en Coupe du monde ? Du 4 au 8 juin, trois poètes du Gabon, du Congo-Brazzaville et de Maurice représenteront le continent lors d’un tournoi mondial de slam, à Paris. Trois pionniers qui représentent une communauté en plein essor, animée par ses rêves de grandeur et ses influences des cultures traditionnelles.
« La poésie n’est pas morte », disait l’anarchiste espagnol Angel Pastor. Pas morte, et même bien vivante, notamment en Afrique. Parmi les 22 concurrents de la compétition, qui se tiendra à Paris, dans le quartier de Belleville, deux concurrents, Didier Tanguy Meyele Ntsiya et Gilles Douta, défendront en effet respectivement les couleurs du Gabon et du Congo Brazzaville, alors que Maurice enverra également son protégé, Damien Édouard.
Chez les francophones, on parle parfois de slam pour des scènes en solo, ce qui est absurde.
Pilote le Hot, Directeur artistique de la coupe du monde de slam
Sur le continent, le slam a pourtant du mal à s’imposer. En partie parce qu’il « lutte » contre l’influence du rap. « Le rap profite d’une grosse promotion qui empêche le slam d’émerger davantage, explique Pilote le Hot, directeur artistique de la coupe du monde, et il y a une sorte de perversion dans les pays francophones, qui assimilent souvent l’un à l’autre alors qu’il ne s’agit pas du tout de la même chose ». « Les anglophones savent que le « slam » veut dire « tournoi », alors que les francophones parlent parfois de slam pour des scènes en solo, ce qui est absurde ». (voir définition)
Libreville la poète
Dans certaines régions d’Afrique, le slam est malgré tout parvenu à se faire une place. Comme au Congo-Brazzaville où un concours national, qualificatif pour la coupe du monde, a été organisé cette année, en partenariat avec l’Institut français. « La scène slam est présente au Congo, mais elle souffre d’un réel manque d’infrastructures culturelles permettant aux artistes de se produire sur scène, explique Franck Padillot, directeur de l’Institut de Pointe-Noire.
Au Gabon, qui enverra lui aussi un représentant à Paris, sélectionné parmi neuf autres concurrents, la scène de Libreville n’est pas loin d’être l’une des plus actives du continent. Même si elle est « assez restreinte », confie Valentin Leveau de l’Institut français de Libreville : « C’est un groupe d’une soixantaine de personnes qui se retrouvent régulièrement dans plusieurs endroits de la ville à la plage de la Sablière, à la cité de la démocratie ou à l’Institut ».
Big Jim, candidat du Gabon lors de la coupe du monde 2008 par slam
« Il y a des projets très intéressants de fusion entre la pratique du slam et les traditions orales d’Afrique, notamment les épopées », poursuit Valentin Leveau, rappelant par la même occasion l’importance de la tradition orale dans la région et sa filiation avec le slam. Une filiation qui semble également exister à Maurice, où le premier slam national a été organisé en 2011 avec le soutien du ministère des Arts et de la Culture.
Pour Ziad Peerbux, membre du collectif Mic et Cris et enseignant en lettres modernes, « le pays a besoin du slam ». Maurice, dont le dernier concours national a réuni pas moins de 25 participants aux épreuves éliminatoires, douze finalistes, et un heureux élu envoyé à Paris. « J’utilise le slam comme méthode pédagogique depuis bientôt six ans, il y a un élément de partage, sans étiquette sociale, qui peut faire de vrais miracles dans l’apprentissage des langues », ajoute Ziad Peerbux. Et de conclure : « Le slam est une bulle oratoire où le partage rompt toutes les barrières linguistiques ».
"Une bouche qui parle, un esprit qui réfléchit, une main qui écrit"
Malgré ces atouts, le slam a encore beaucoup à faire pour conquérir le continent africain. Et pour cause, bon nombre de poètes espèrent d’abord l’utiliser pour percer dans le monde de la musique. Un vœu pieu, le plus souvent. « C’est déjà difficile de vivre en faisant de la musique alors en récitant de la poésie… », avoue Pilote le Hot, « il faut être sélectionné au niveau d’une communauté, jugé par le public, pour pouvoir espérer participer à une coupe du monde ». Une longue route que peu ont la chance d’emprunter, sans être assuré qu’elle les mènera beaucoup plus loin. « Généralement, les poètes restent deux ou trois ans dans le slam », explique le directeur artistique de la coupe du monde, « puis ils passent à autre chose »,
Le slam, c’est l’avenir.
Ziad Peerbux, Éducateur mauricien
« Je suis sûr qu’un jour certains de nos slammeurs pourront faire carrière et vivre de leur talent », espère Ziad Peerbux qui évoque la création d’une « fédération africaine de poésie slam », voire d’une « coupe d’Afrique de slam ». Une idée qui n’est pas si folle, la pratique étant également implantée à Madagascar, via le collectif MadagaSlam, et au Togo, qui compte lui aussi participer à la coupe du monde l’an prochain. Des compétitions régionales auraient déjà été évoquées du côté du Gabon, avec des partenaires médiatiques, notamment des radios et des collectifs culturels.
« Le slam, c’est l’avenir », prophétise le mauricien Ziad Peerbux, « une bouche qui parle, un esprit qui réfléchit, une main qui écrit ». Aux représentants africains à la coupe du monde 2013 de lui donner raison. Un trophée serait sans aucun doute une belle rampe de lancement.
>> Consulter le programme de la coupe du monde de slam 2013 <<
SLAM (n.m.) (Fédération française de slam) : « Le slam est un tournoi de poésie, ouvert à tous, importé en France des États-Unis, voilà maintenant plus de dix ans… En anglais « slam Poetry » signifie Chelem de Poésie, comme on parle de petit chelem et de grand chelem dans les tournois de rugby et de bridge. Avec le slam, la poésie devient un sport, un spectacle vivant, où les poètes s’affrontent dans une compétition qui tient lieu de prétexte. Car il ne s’agit pas de diviser les poètes, mais de les réunir et de les fédérer autour de leur pratique. »
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Par Mathieu Olivier
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