France – Maroc : un procès au long cours pour les « indigènes » de la SNCF
Le procès des « indigènes » embarrasse la SNCF. 850 travailleurs marocains demandent réparation à la compagnie ferroviaire pour discrimination. Lundi 27 mai s’est déroulée l’audience d’un des 16 groupes de plaignants au Tribunal des Prud’hommes de Paris. L’affaire continue…
Les deux heures de plaidoirie du lundi 27 mai n’ont pas suffi aux juges pour se déterminer sur le cas des 22 cheminots venus défendre leur cause contre la Société nationale des chemins de fer (SNCF). Le tribunal des Prud’hommes de Paris a renvoyé leur dossier en délibéré au 25 juin. Ces plaignants font partis de ces centaines de travailleurs d’origine marocaine de la SNCF à avoir saisi la justice pour faire valoir leurs droits : obtenir le même statut et les mêmes avantages que les salariés français de la compagnie.
« Je demande la réparation à la discrimination, explique Me Mendès, leur avocat. Ces travailleurs n’ont pas connu de progression de carrière et de salaire équivalente à leurs collègues français. Ils n’ont pas pu partir à la retraite aussi tôt et ne bénéficient pas des mêmes pensions. »
La plupart de ces Marocains travaillant à la SNCF ont été recrutés dans leur pays au début des années 1970. La France est en plein essor économique des Trente glorieuses et manque de bras. Ils sont alors embauchés sous le régime général des travailleurs français et non sous le régime particulier des cheminots de la SNCF. Car pour pouvoir accéder à ce statut privilégié il faut être de nationalité française et avoir moins de 30 ans.
Le statut de cheminot présente de nombreux avantages dont ils n’ont pas pu bénéficier.
850 dossiers en cours
Le statut de cheminot présente de nombreux avantages dont ils n’ont pas pu bénéficier : retraite à taux plein à 55 ans, caisse de prévoyance et soins spéciale, etc. Les Marocains eux travaillent jusqu’à ce qu’ils aient fait leurs trimestres (41 années) et « la plupart sont sur les voies jusqu’à plus de 60 ans à faire les trois huit », dénonce leur avocat. C’est pourquoi ils demandent une compensation financière de 300 000 à 450 000 euros par personne.
Les premières procédures judiciaires ont été entamées en 2001 et les échos dans la presse ont encouragé petit à petit les « cheminots » marocains à sortir du silence. En 2009, ils sont une centaine à saisir les tribunaux. Aujourd’hui, près de 850 dossiers sont en cours. Me Mendès compare cette affaire à celle des anciens combattants des ex-colonies pendant la Seconde guerre mondiale qui ont dû lutter pendant plusieurs décennies devant les tribunaux avant de voir l’alignement de leurs pensions sur celles des Français. « J’espère que cela durera moins, 5 ou 6 ans », avance l’avocat de manière optimiste. Mais l’affaire n’est pas simple à plaider…Difficile, en effet de prouver la discrimination.
Des cadres légaux
Interrogée sur le sujet, la SNCF ne souhaite pas s’exprimer sur une affaire judiciaire en cour et rappelle qu’il y a des lois qu’elle applique scrupuleusement. En effet, la compagnie estime qu’elle a appliqué aux Marocains le régime général des travailleurs tout comme elle a pu le faire avec d’autres ouvriers français qui eux non plus n’ont pas été titularisés.
Autant dire que les démarches risquent d’être longues car sur les 16 groupes constitués, seuls six ont été reçus en première instance, et des convocations sont encore prévues jusqu’en mars 2014. « Sachant qu’il y aura forcément un appel et certainement un pourvoi en cassation », assure Me Mendès.
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