Madagascar : la Cour électorale spéciale, un arbitre discrédité
Face à l’absence de solution politique et à la suspension des financements de la communauté internationale, la Cour électorale spéciale malgache évoque un « cas de force majeure », ouvrant la voie à un nouveau report de l’élection présidentielle sur la Grande Île. Mais la CES ne fait que constater un échec auquel elle a elle-même largement contribué.
Plus de 4 ans de transition et Madagascar se dirige vers un deuxième report de l’élection présidentielle en quelques mois. Le premier tour devait avoir lieu le 8 mai dernier. Officiellement, il avait été repoussé pour des raisons techniques. Mais le fond du problème est bien politique. Et la nouvelle date fixée au 24 juillet devrait être enterrée à son tour dans les jours qui viennent.
Dans sa décision du 28 mai 2013, la Cour électorale spéciale (CES) s’est rendue à l’évidence : la tenue d’élections crédibles dans un climat apaisé n’est pas possible en ce moment. En cause, la suspension du financement des élections de la part des bailleurs internationaux et l’absence de solution politique sur le cas des trois principaux candidats. Pour la Cour, ces faits « compromettent gravement la réalisation du processus électoral » et constituent un « cas de force majeure ». Préambule d’un nouveau report.*
Un "pilier" du processus électoral
Mais les dernières décisions de la CES mise en place sous le régime de transition ont provoqué l’ire d’une partie des Malgaches et de la communauté internationale. À l’origine de leur colère : la validation, à la surprise générale, de la candidature d’Andry Rajoelina début mai. Le dossier du président de la transition avait été déposé hors délai. Lalao Ravalomanana et l’ancien chef d’État Didier Ratsiraka, avaient également obtenu un avis favorable alors qu’ils ne résident pas à Madagascar depuis 6 mois comme l’exige la loi électorale.
« La CES a décrédibilisé tout le processus en validant ces candidatures, dénonce Ralison Andriamandranto, le coordinateur de l’observatoire de la vie publique à Madagascar. C’est d’autant plus grave que c’est un des piliers sur lequel repose le scrutin. » De fait, les 9 magistrats qui composent la Cour doivent prononcer les résultats de l’élection et trancher en cas de litige.
"Des décisions plus politiques que juridiques"
La CES, discréditée, est à la fois arbitre et juge. Et, à ce titre, elle est intouchable ou presque. « Ses décisions ne peuvent être contestées et ses délibérés restent secrets, rapporte Sahondra Rabenarivo, juriste. Son devoir est d’appliquer les lois. Le problème, c’est qu’elle prend des décisions plus politiques que juridiques. »
Face au scandale, 25 des 41 candidats à l’élection présidentielle ont récemment signé une pétition de protestation mettant en cause l’indépendance de la CES. Des démarches devaient être entamées au niveau du Parlement de transition pour changer ses membres ou pour leur imposer des observateurs. « Pour l’instant, ces intentions ne se sont pas concrétisés en actes », affirme Dolin Rasolosoa, candidat et président du Conseil supérieur de la transition.
Pour sa défense, la CES dit avoir agi dans un souci d’apaisement politique. Las, depuis un mois, ses décisions n’ont fait qu’exacerber les tensions, compromettant une fois de plus la sortie de crise à Madagascar.
Arnaud Froger.
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* Après que la CES a constaté un « cas de force majeure », la décision du report doit, en théorie, être entérinée par le gouvernement.
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