Shoah, l’indispensable devoir de mémoire

Frank Nouma est journaliste indépendant.

Publié le 27 mai 2013 Lecture : 3 minutes.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la mémoire de la Shoah a protégé les Juifs de l’antisémitisme, ce mal qui a gangréné bien des esprits et bien des pays. Mais, on s’aperçoit aujourd’hui que cette mémoire joue contre Israël. En d’autres termes, la Shoah est utilisée pour susciter ou justifier des sentiments anti-israéliens.

Ce retournement se fonde sur la mauvaise conscience occidentale. On dit aux Juifs que les Israéliens font subir aux Palestiniens ce que les nazis leur ont infligé jadis. Par cette affirmation odieuse et historiquement fallacieuse, on voit bien que les Occidentaux reprochent aux Juifs le mal qu’ils leur ont fait subir.

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La Shoah pèse encore énormément sur la conscience occidentale. Et pour cause ! Alors que les gens connaissent parfaitement bien la singularité de la Shoah, certains cherchent paradoxalement à en minimiser la tragédie pour en faire le rapprochement avec la souffrance palestinienne. Si insupportable soit-elle, celle-ci n’est en aucune façon comparable à la Shoah.

Contrairement à ce que l’on pense, la Shoah est encore un passé qui ne passe pas, bien que le souvenir soit encore très vif  dans les mémoires, et pas seulement juives. À force de répéter que les Juifs sont des victimes, on finit par les poser en victimes par essence. Hélas, la Shoah, c’est d’abord le massacre systématique de pauvres gens, esseulés du monde et abandonnés de toute forme de compassion.

Si la Shoah n’a pas créé Israël, elle justifie l’existence de ce foyer national. Avant cette tragédie, les Juifs pouvaient envisager différentes modalités de vie ou de survie au sein d’un monde qui leur toujours été hostile : l’assimilation, le socialisme, le communisme…Quand bien-même l’assimilation reste un choix fait par de nombreux juifs, la réminiscence de la Shoah restera toujours assez forte pour rappeler aux Juifs (et même aux non Juifs) qu’il n’est pas mauvais d’avoir un État-Nation "au cas où" certains auraient, à nouveau, des poussées génocidaires.

À court terme, la Shoah a certes accéléré le processus de création d’Israël, mais à long terme, la Shoah a remis en question la viabilité de cet État. Israël aurait dû être peuplé par les Juifs exterminés pendant la Shoah. Et heureusement qu’Israël a été créé, ne fut-ce que pour les Juifs des pays arabes. Ce n’est pas parce qu’Israël a été créé qu’ils ont quitté le monde arabe, mais bien parce que le nationalisme arabe n’a pas été capable d’intégrer des éléments hétérogènes dans des nations nouvellement indépendantes.

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Au fil des années, et surtout après la guerre des Six-jours en 1967, les Israéliens ont accordé à la Shoah une place considérable. Ainsi, tous les chefs d’État étrangers entament leur visite en Israël par un passage au mémorial de Yad Vashem. L’idée qu’Israël est né de la Shoah rassure les Occidentaux, elle les déculpabilise. Pourtant, ce lien erroné de cause à effet sape la légitimité de l’État d’Israël. Un Etat né de la souffrance et de la compassion est du coup privé de sa légitimité historique et géographique.

Dans l’économie psychique de l’Occident chrétien, le Juif victime suscite la compassion.

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Les Juifs morts font l’unanimité dans la sympathie. Mais le Juif qui refuse de se poser en victime, celui qui prône l’éthos sioniste dérange une Europe qui, même si elle est largement déchristianisée, demeure imprégnée des schémas chrétiens les plus archaïques. Du coup, le Palestinien est la figure sainte de la victime, c’est le Christ mis en croix une deuxième fois par les mêmes « déicides » : les Juifs.

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