RDC : la presse sous bonne garde dans le Kivu
Dans le Nord-Kivu, alors que les tensions entre le M23 et les forces armées congolaises sont toujours aussi vives, Reporter sans frontières (RSF) dénonce les conditions de travail des journalistes, marquées par la censure établie par les rebelles comme par les autorités congolaises.
Le journalisme est « menacé de mort » dans les zones contrôlées par la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23), active dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), a déclaré vendredi Reporter sans frontières (RSF). « Le paysage médiatique dans les territoires sous contrôle du M23 est marqué par les menaces, la censure, le contrôle des lignes éditoriales, le prise en otage des médias et parfois les enlèvements de journalistes », écrit RSF dans un rapport publié le 24 mai. L’ONG a déjà interpellé la rébellion en formulant des accusations similaires dans le passé.
« Les agents de renseignement du M23 débarquent chaque soir dans la rédaction et lisent tous les papiers d’information, a confié à RSF un rédacteur en chef. Ce sont eux qui décident quelles informations nous pouvons diffuser et quelles autres nous devons taire. Vous n’avez aucun droit de refuser, au risque de vous faire tuer. » Des propos confirmés par Tchivis Tshivuadi, responsable de Journaliste en Danger (JED). « Les journalistes travaillent sous pression. Si vous dénoncez les M23, ils vous menacent. Ils vous harcèlent de messages et d’appels téléphoniques… Et s’ils dénoncent cette situation à travers les associations, ils sont encore plus sujet à des pressions. »
RSF estime que « près d’une dizaine de journalistes au moins, peut-être beaucoup plus », ont dû fuir la zone sous contrôle du M23. Mais une fois en zone sous contrôle FARDC, les journalistes sont « espionnés, gardés à l’œil par les services de renseignements de l’État congolais ». L’organisation cite l’exemple de Blaise Bahisha de la radio Sauti ya Rutchuru. Suspecté d’espionnage pour le compte du M23, ce journaliste a été arrêté par l’armée congolaise à Goma, le 17 avril. « Il est détenu de manière totalement abusive, affirme Tchivis Tshivuadi. Nous réclamons sa libération sans condition. » Pour Tchivis Tshivuadi, mis à part l’armée qui restreint la communication autour des opérations militaires, c’est surtout l’Agence nationale de renseignement qui surveille les journalistes du Kivu.
"Notre mouvement est dirigé par un ancien journaliste"
De son côté, René Abandi, chargé des relations extérieures du M23, dément ces accusations. « C’est un mensonge grossier, nous sommes victimes de faux témoignages. Le gouvernement de ce pays est très fort pour orchestrer des campagnes contre nous », explique-t-il à RSF.
« Notre mouvement est dirigé par un ancien journaliste, porte-parole et attaché de presse (Bertrand Bisimwa). Je peux vous garantir que nous voulons des médias libres, nous voulons que ceux qui nous critiquent puissent s’exprimer », a-t-il ajouté. Mais le M23 n’est pas le seul à empêcher les journalistes de travailler librement. « A Béni, les groupes Maï-Maï continuent à surveiller les journalistes », affirme Tchivis Tshivuadi.
Lundi 20 mai, et après plusieurs mois de trêve, de violents combats ont opposé l’armée et le M23 à une dizaine de kilomètres de Goma, capitale de la province riche et instable du Nord-Kivu. Les affrontements ont poussé 30 000 personnes à fuir vers Goma, notamment. RSF déplore « les pertes civiles et les dégâts causés par la reprise des hostilités », se déclarant « particulièrement inquiète pour les acteurs de l’information, lesquels sont empêchés d’exercer librement ».
(Avec AFP)
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