Grands Lacs : la paix est à portée de main
Ban Ki-moon est le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies ; Jim Yong Kim est le président du Groupe de la Banque mondiale.
Aujourd’hui, la région des Grands Lacs voit à sa portée des choses auxquelles ses habitants, las de la guerre, aspirent en vain depuis des dizaines d’années : la possibilité de faire taire les armes, de renforcer la confiance et le commerce entre pays voisins, d’envoyer à l’école des millions d’enfants actuellement non scolarisés, de donner des moyens d’action aux femmes et de créer des possibilités économiques qui aideront les différents pays à s’engager sur la voie de la prospérité, de la bonne gouvernance et d’une stabilité durable.
Dans les jours qui viennent, nous nous rendrons en Ouganda, en République démocratique du Congo (RDC) et au Rwanda pour rencontrer les dirigeants de la région et annoncer une série d’engagements précis propres à accélérer le développement et à consolider la paix. Cette visite commune, une première, est liée à un nouvel accord extrêmement important, l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC et dans la région.
Cet accord est le fruit d’efforts concertés de l’ONU, de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de l’Union africaine (UA). Il repose sur le constat suivant : pour mettre fin à la succession de conflits catastrophiques qui ont déchiré la RDC, il faut aborder les choses sous un angle nouveau. Il ne suffit pas de gérer les crises et les conséquences des hostilités. Nous devons nous attaquer aux causes profondes. Signé par 11 pays, l’accord prévoit que les dirigeants de la région agissent, avec l’appui de la communauté internationale, pour tenter de régler les problèmes communs de sécurité et de développement. Et comme les engagements pris doivent être tenus, il prévoit aussi la création de mécanismes de contrôle rigoureux devant permettre de vérifier que les résultats ont été atteints.
Espoir
Nous pensons que cette optique globale ouvre à la RDC et à la région des Grands Lacs des perspectives de paix et de développement qu’elles n’ont pas eues depuis des années. Mais cet « accord-cadre pour l’espoir », comme l’a appelé Mary Robinson, l’Envoyée spéciale des Nations Unies pour la région des Grands Lacs, va demander beaucoup de travail.
Un nombre sidérant d’habitants de la RDC disposent de moins de 1,25 dollar par jour pour vivre. Plus de 7 millions d’enfants – un tiers de ceux qui devraient être scolarisés – n’ont pas accès à l’instruction. Quelque 2,4 millions d’enfants souffrent de malnutrition aiguë. Le paludisme, le choléra et la rougeole font des ravages du fait de l’insuffisance des soins de santé, de la qualité de l’eau et de l’assainissement. Les routes sont dans un état pitoyable et l’électricité est chère, quand il y en a. Les produits les plus courants doivent être importés. Quelque 6,3 millions de personnes dépendent de l’aide alimentaire.
La violence sexuelle demeure un fléau partout dans le pays, et est régulièrement utilisée comme arme de guerre par les groupes armés qui sévissent dans l’est du pays. L’absence d’emplois et de perspectives d’avenir fait le lit de la criminalité. Plus de 3 millions de Congolais ont dû fuir pour se mettre en sécurité; 2,6 millions sont déplacés dans le pays et 450 000 sont réfugiés dans les pays voisins.
C’est principalement des dirigeants de la région que dépendront la paix, la stabilité et la croissance économique. Le système des Nations Unies, y compris le Groupe de la Banque mondiale, et la communauté internationale tout entière doivent les appuyer. Nous nous engageons à ce que nos deux organisations collaborent de plus près, selon des formules nouvelles, pour que l’application des volets de l’Accord se rapportant aux questions politiques et à la stabilité aille de pair avec le développement économique indispensable à une paix et une stabilité durables.
Dividendes
En relançant l’activité économique et en créant des moyens de subsistance dans les zones frontière, en favorisant le commerce transfrontalier, en développant graduellement l’interdépendance économique, en combattant la corruption et en veillant à ce que les ressources naturelles soient gérées au profit de tous, il est possible de renforcer petit à petit la confiance et d’améliorer la qualité de vie, le niveau des revenus et les perspectives d’avenir.
D’autres pays ont montré qu’il est possible de se remettre d’un conflit et de progresser vers les objectifs du Millénaire pour le développement. Nous sommes à présent en train d’élaborer pour l’après-2015 un nouveau programme de développement durable visant à faire disparaître la misère. De nombreux pays d’Afrique avancent avec dynamisme. Le peuple de la RDC mérite lui aussi une vraie chance d’aller de l’avant.
Un accord de paix doit rapporter des dividendes de paix. Nous devons aux habitants de la région des Grands Lacs de les aider à réaliser les aspirations qu’ils nourrissent depuis si longtemps : la fin des conflits, la scolarisation des enfants, le respect des droits des femmes, l’accès aux soins de santé et à des sources d’énergie durables, et des revenus et des perspectives d’avenir pour tous. C’est pour cette raison que nous sommes dans la région. Nous voyons, à l’horizon, de l’espoir pour les peuples de la région des Grand Lacs, et nous sommes déterminés à les accompagner tout au long du chemin.
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