Kagamé offensif à Londres et Oxford
Le chef de l’État rwandais, Paul Kagamé, était en visite à Londres et à l’université d’Oxford, samedi 18 mai. Au programme : messages offensifs et défense de sa politique, auprès de la diaspora mais aussi à destination de ses opposants.
L’arrivée de Paul Kagamé à Oxford était doublement attendue, ce samedi 18 mai. Par les étudiants de l’Oxford Business network Africain, qui lui avaient adressé en janvier dernier une invitation à participer à leur conférence annuelle. Mais aussi par une poignée de manifestants (une cinquantaine au plus fort du rassemblement), opposants congolais et rwandais, venus, entre autres, dénoncer les « interventions » du Rwanda en République démocratique du Congo (RDC) – le Groupe d’experts de l’ONU pour la RDC a notamment affirmé que Kigali soutenait les rebelles du Mouvement du 23 mars, ce que Kigali dément.
Pour tenter de désamorcer toute polémique, l’Université d’Oxford diffusait, à l’entrée de la conférence, un texte précisant que « le président Kagamé a été invité par les étudiants » et que sa présence « n’impliquait aucun soutien, par l’Université, de ses idées ou actions ».
EXCLUSIF – Paul Kagamé : "J’encourage le débat sur ma succession" en 2017
Sa propre succession, ses rapports avec la RDC, la France, l’opposition, la Cour pénale internationale… Le chef de l’État rwandais a reçu Jeune Afrique et s’explique dans le numéro 2732, en kiosque du 19 au 25 mai. À lire cette semaine dans Jeune Afrique.
Pour autant, le discours du président rwandais, sur la croissance en Afrique et au Rwanda, a été chaleureusement accueilli par les étudiants et hommes d’affaires présents dans l’amphithéâtre bondé (300 personnes environ). Il s’est vu remettre un prix « d’honneur pour la croissance africaine » de la part des étudiants.
Lors de la séance de questions et réponses, le président rwandais s’est notamment exprimé sur ses relations avec la France, qu’il a qualifiées de « meilleures qu’il y a deux ans » ajoutant que « pas de nouvelles veut parfois dire bonne nouvelle ». Il a en revanche éludé la question de l’après-2017, année lors de laquelle doit s’achever son dernier mandat présidentiel ,selon la Constitution. Sur les accusations d’intervention au Nord Kivu, il a répondu en ces termes : « Les problèmes du Congo ont commencé avant même ma naissance. Ils sont toujours présents. Les leaders qui ont échoué dans leur devoir rejettent la faute sur nous. »
Kagamé réservait une autre réplique à ses détracteurs aux quelques 3 000 invités du « Rwanda Day », plus tard dans la journée à Londres. Devant le Troxy, une salle de spectacle de l’Est londonien, une autre poignée de manifestants attendaient, là aussi, les invités. Dans son deuxième discours de la journée, en kinyarwanda, le président rwandais s’en est moqué, émettant au passage des critiques à peine voilées de son homologue congolais, Joseph Kabila. « Ces gens n’ont rien à manger, a-t-il lancé. Et pourtant, ce matin, ils m’attendaient avec des œufs. Pourquoi viennent-ils manifester ici ? Ils devraient aller résoudre leurs problèmes dans leur pays. […] Cela montre qu’il y a toute une chaîne d’échec idéologique. Une chaîne qui remonte jusqu’au plus haut niveau. »
En présence de Grace De Niro, la femme de l’acteur hollywoodien et fondatrice de Grace Hightower & Coffees of Rwanda, une entreprise d’importation de café rwandais aux États-Unis, Paul Kagamé est revenu à la tribune sur les suspensions d’aide publique au développement par plusieurs pays occidentaux, au cours de l’année 2012, suite aux accusations d’intervention en RDC. « L’année dernière, le monde entier nous a attaqués. Ils ont décidé d’accuser le Rwanda. Je me suis alors dit que le Rwanda n’était pas un si petit pays que cela après tout. »
Kagamé s’est ensuite lancé dans une longue tirade contre la dépendance à l’aide publique au développement (qui alimente 40 % du budget rwandais) « Pourquoi des contribuables étrangers doivent-ils subvenir à nos besoins ? Le monde ne nous doit rien ! Chacun doit vivre de ce qu’il produit. Et quand vous leur dites : « Non, je voudrais que vous m’aidiez à atteindre l’auto-suffisance », ils se demandent ce qu’il vous est arrivé et vous répondent : « Non, reposez-vous. Restez un fardeau. » Cela n’a aucun sens […] Ils le font pour profiter de nous. »
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Pierre Boisselet, envoyé spécial à Londres
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