Algérie – Tunisie : Sakhr el-Materi et l’affaire du masque de Gorgone
Les tensions entre la Tunisie et l’Algérie ne sont pas seulement dues à la présence de djihadistes à leurs frontières. Le « masque de Gorgone », que la Tunisie doit restituer à l’Algérie depuis plus de deux ans, provoque lui aussi un certain malaise.
La ministre algérienne de la Culture, Khalida Toumi, ne décolère pas. Elle réclame à la Tunisie la restitution du masque de Gorgone, imposante pièce de marbre blanc de 320 kg, volée en 1996 sur le site l’antique Hippone Regius, l’actuelle Annaba (est de l’Algérie). Mise au jour en 1930 par l’archéologue français Pierre Choupaut dans le voisinage du forum, elle ornait la plus importante fontaine de la cité.
Subtilisée dans des conditions assez obscures au moment où toute la région d’Annaba était la cible de pillages réguliers de ses sites archéologiques, en pleine guerre civile, le vol du masque de Gorgone eu un tel retentissement qu’il a conduit les autorités algériennes à créer une brigade de lutte contre le trafic des biens culturels. Les spécialistes avaient alors émis l’hypothèse que les pièces volées avaient été acheminées vers la Tunisie.
Le masque a été mis au jour en 1930 par l’archéologue français Pierre Choupaut, à Annaba.
© DR
Réseau basé à Hammamet
La confirmation avait été apportée par Interpol, en 1999, qui localisait en Tunisie un buste et une tête de femme romaine provenant du théâtre de Guelma. À la même époque, un réseau international de trafic d’objets archéologiques, basé à Hammamet, avait été démantelé. Mais il faudra attendre la révolution tunisienne en 2011 pour que réapparaisse, toujours à Hammamet, le fameux masque de Gorgone, estimé à près d’un million d’euros. Il décorait, ainsi que d’autres pièces antiques, le jardin de la villa de plaisance de Sakhr el-Materi, gendre de l’ancien président Ben Ali, qui avait fuit le pays la veille du 14 janvier 2011.
Exposé à Tunis
Les experts algériens avaient aussitôt authentifié le masque de Gorgone et le ministre tunisien de la Culture, Mehdi Mabrouk, s’était engagé à le restituer. Mais en deux ans rien n’a été fait. Dans un premier temps, le masque a été considéré par les Tunisiens comme pièce à conviction dans une plainte contre Sakhr el-Materi pour détournement de biens archéologiques et de patrimoine. Depuis l’affaire a été jugée sans que le masque ne retourne en Algérie.
Avec d’autres pièces, il a même été le clou d’une exposition, organisée récemment à Tunis à l’occasion du mois du patrimoine et consacrée aux objets détournés par les proches de l’ancien chef de l’État. Soulignant l’importance du « respect des accords bilatéraux et des conventions de l’Unesco » sur la récupération des biens culturels, illégalement acheminés à l’étranger, Khalida Toumi a qualifié cette exposition d’« acte de violation » desdits accords et regretté que la pièce archéologique, propriété de l’Algérie et dûment répertoriée, soit exposée à l’étranger. De son côté, Mehdi Mabrouk a réitéré, le 16 mai, son engagement à restituer le masque aux autorités algériennes, dès l’application de « certaines mesures légales ».
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Par Frida Dahmani, à Tunis
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