Tunisie : les islamistes radicaux d’Ansar al-Charia défient le gouvernement
La tension est à son comble entre les salafistes d’Ansar al-Charia et les autorités tunisiennes. Par la voix de son porte-parole, le mouvement islamiste radical a annoncé, jeudi 16 mai, qu’il maintenait son congrès annuel, prévu dimanche à Kairouan (centre), malgré l’interdiction annoncée la veille par le gouvernement.
Mis à jour à 11h46.
« Nous ne demandons pas l’autorisation du gouvernement pour prêcher la parole de Dieu et le mettons en garde contre toute intervention de la police pour empêcher la tenue du congrès ». Jeudi, lors d’une conférence de presse, le porte-parole d’Ansar al-Charia, Seifeddine Raïs, a vivement répondu aux autorités tunisiennes qui ont interdit le rassemblement annuel de son organisation prévu dimanche à Kairouan.
La veille, Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahdha au pouvoir, avait annoncé que le gouvernement interdisait ce rassemblement sous prétexte que les organisateurs n’avaient pas obtenu d’autorisation comme l’exige depuis peu la loi. De son côté, le ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou avait aussi menacé de poursuivre « toute personne appelant au meurtre, incitant à la haine (…) ou plantant des tentes de prêche », en allusion au dispositif utilisé par les salafistes pour prêcher et diffuser leurs idées. Le week-end dernier, les forces de sécurité ont ainsi empêché des salafistes de dresser des tentes à Tataouine, Médenine et dans des quartiers de Tunis.
"Condamnation du terrorisme"
« J’attends des cheikhs salafistes en Tunisie une condamnation claire du terrorisme », a déclaré quant à lui le président tuniesen Moncef Marzouki, ajoutant que l’État était « déterminé à agir contre les dérives et à recourir à tous les moyens militaires et sécuritaires dont il dispose. (…) La Tunisie fait face désormais à une menace terroriste en provenance des zones d’instabilité proches et lointaines », a-t-il ajouté, faisant référence à l’Algérie et au Mali, notamment.
Ce durcissement du ton face aux salafistes n’a visiblement pas contrarié les plans des responsables d’Ansar al-Charia. D’après eux, près de 40 000 personnes sont attendues dimanche à Kairouan pour le troisième congrès annuel du mouvement. Selon Seifeddine Raïs, des jeunes sans appartenance salafiste ont notamment proposé de se joindre au rassemblement pour « dénoncer l’oppression » des autorités.
Menaces ouvertes
Les leaders d’Ansar al-Charia défient dorénavant ouvertement les autorités tunisiennes. Dans un communiqué publié en début de semaine sur internet, le chef de l’organisation, Abou Iyadh, recherché depuis septembre 2012 par la police, a menacé de faire la guerre au gouvernement et accusé Ennahdha de mener une politique contraire à l’islam. Jeudi, Seiffedine Raïs s’est même montré particulièrement menaçant. « Ali Larayedh (le Premier ministre, NDLR) répondra de sa politique devant le seigneur et le gouvernement sera responsable de toute goutte de sang qui sera versée », a-t-il averti sur un ton martial.
Les menaces d’Ansar al-Charia sont prises très au sérieux par les autorités. Selon une source ministérielle, une réunion avait lieu jeudi soir au ministère de l’Intérieur pour déterminer la réponse à apporter aux islamistes radicaux. Vendredi matin, la posture gouvernementale à l’égard du congrès d’Ansar al-Charia n’était visiblement toujours pas arrêtée. « Cette décision définitive sera prise aujourd’hui ou demain », a déclaré le ministre Lotfi Ben Jeddou au micro de radio Kalima, tout en prenant soin de souligner que l’État « n’acceptera pas les menaces de mort ».
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Benjamin Roger
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