Les ex-« comzones » règnent-ils sur la Côte d’Ivoire ?
Dans un rapport de 300 pages publié dimanche 28 avril, les experts des Nations unies sur la Côte d’Ivoire affirment que les anciens rebelles des Forces nouvelles, qui ont aidé Alassane Ouattara à prendre le pouvoir en 2011, ont utilisé leurs nouvelles responsabilités pour « étendre leur influence politique et économique ».
Août 2011. Le président ivoirien Alassane Ouattara nomme les anciens « comzones » Issiaka Ouattara, dit « Wattao », Chérif Ousamne, et Martin Fofié Kouakou à des postes militaires importants. « Wattao » devient commandant en second de la Garde républicaine alors qu’il dirigeait jusqu’à présent la zone de Séguéla (centre-ouest). L’ex-chef de la zone de Bouaké (centre, fief des FN), Chérif Ousmane, alias « Papa Guépard », est quant à lui promu commandant en second du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). Martin Fofié Kouakou conserve lui le contrôle de la zone de Korhogo (nord). En décembre 2012, trois anciens chefs de guerre de la rébellion des Forces nouvelles (FN) sont également nommés à la tête de trois régions sensibles.
Depuis, « ces commandants de zone ayant à leur actif un nombre notable de violations du droit international humanitaire ont étendu leur influence économique et politique », dénonce dimanche 28 avril un rapport d’experts des Nations unies. Ces anciens rebelles ont été promus à des postes stratégiques de commandement « sans pour autant que ceux-ci abandonnent leurs activités économiques prédatrices de seigneurs de guerre, qu’ils ont à présent étendues à l’ensemble du territoire ivoirien », fustige le document de 300 pages dont 250 d’annexes.
Imposition parallèle
Les cinq experts (Raymond Debelle, Eugene Fatakanwa, Simon Gilbert, Joel Salek, et Manuel Vázquez-Boidard) dénoncent « le pouvoir et le l’influence croissants dont jouissent les réseaux d’anciens membres des Forces nouvelles de par leur intégration aux corps réguliers chargés de la sécurité » comme le « contrôle qu’ils exercent sur diverses activités économiques illégales ou informelles ».
Ce « réseau militaro-économique au sein de l’administration profite de la contrebande et du sytème d’imposition parallèle » et « divise le pays en zones d’influence économique et les autorités locales ne peuvent rien contre lui », estiment les experts onusiens.
Outre le cacao, les experts font également part de leurs soupçons concernant le commerce de l’or, des diamants, du coton, du bois et d’autres ressources.
Pertes énormes
Dans le cas du cacao, dont la contrebande s’effectue principalement par le Ghana, le manque à gagner est énorme. Les autorités ivoiriennes estiment que, pour la saison 2011-12, il représente 153 000 tonnes, soit des pertes de 400 millions de dollars (près de 1,6 % du produit intérieur brut de 2012, d’un montant total de 25,125 milliards de dollars) pour l’économie nationale et une perte de 76 millions de dollars en recettes fiscales pour le gouvernement. Les experts dont le mandat a été renouvelé par le Conseil de sécurité la semaine dernière font également part de leurs soupçons concernant le commerce de l’or, des diamants, du coton, du bois et d’autres ressources.
Et le rapport d’affirmer que la contrebande finance directement l’achat « d’armes et de matériel militaire », violant ainsi l’embargo auquel est soumis la Côte d’Ivoire, sans pour autant assurer qu’ils bénéficient aux ex-"comzones". D’après les sources du Groupe, des quantités importantes d’armes et de munitions ont ainsi été transférées « après la crise postélectorale dans des positions dans le nord du pays comme Korhogo (sous le commandement de Martin Kouakou Fofié, qui a fait l’objet de sanctions) et Kofiplé, près de Ferkessédougou, lieu de naissance de Guillaume Soro ».
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Par Vincent Duhem
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